As-tu déjà entendu parler du rotifère ? On le retrouve un peu partout dans l’environnement mais il est minuscule, il mesure moins d’un millimètre.

Le rotifère, une superwoman indestructible

Le rotifère a au moins deux caractéristiques qui rendent son étude passionnante. D’abord, il est capable de survivre dans des conditions extrêmes : grand gel, sécheresse complète et même irradiations (exposition à des rayons radioactifs). Ensuite, sa population est composée exclusivement de femelles qui, c’est en tout cas ce qu’on pensait jusqu’il y a peu, se clonent pour se reproduire à l’identique.

Le rotifère, un scandale de l’évolution?

Depuis qu’il est étudié, le rotifère est considéré comme un « scandale évolutif ». Il est impossible qu’une espèce constituée de clones parfaits puisse exister depuis des millions d’années. Pourtant, on le voit, c’est un animal qui s’adapte et qui est capable de survivre dans des conditions de vie très changeantes.

Matthieu Terwagne est docteur en sciences biologiques. Il a participé aux recherches sur le rotifère et nous explique les découvertes qu’ont faites les scientifiques.

Le rotifère se retrouve un peu partout dans la nature. Chez nous, il aime vivre dans la mousse, les lichens, etc.

Une méiose particulière pour le rotifère

Pour comprendre, on doit te parler de la reproduction sexuée qui permet de donner naissance à des individus différents les uns des autres.

Dans la reproduction sexuée, les mâles et les femelles produisent des gamètes (chez l’être humain, les spermatozoïdes et les ovules), des cellules dont le contenu génétique est divisé par deux. Lorsqu’ils se rencontrent, deux gamètes forment la première cellule du « descendant », qui contient deux moitiés de patrimoine génétique. Cela permet de garder le même nombre de chromosomes dans l’espèce. Cette division cellulaire est appelée méiose. Pendant celle-ci, lorsque le nombre de chromosomes est divisé par deux, ils se modifient un peu, il y a des petits échanges entre les chromosomes homologues (de la même cellule) venus de chaque parent. On voit donc apparaître des descendants « différents ».

« Lors de nos recherches, on a découvert que les rotifères avaient gardé certaines caractéristiques de la méiose, explique Matthieu Terwagne. Pendant l’ovulation du rotifère, les chromosomes homologues se rapprochent fortement, puis se séparent, mais restent toujours ensemble dans la même cellule. Cela veut dire que même s’il n’y a pas de rencontre entre un gamète mâle et un gamète femelle, il y a des modifications au niveau des chromosomes. Des échanges ont lieu, comme dans une méiose classique. Et donc, le descendant n’est pas la copie parfaite de sa mère. » Cela permet donc de comprendre comment l’espèce est arrivée à évoluer et à s’adapter.

La méiose à un moment clé

L’équipe scientifique en a également appris plus sur l’hyper-résistance du rotifère. Celle-ci est liée à cette méiose particulière. Les conditions extrêmes dans lesquelles le rotifère peut se retrouver créent des cassures au niveau de son ADN, sa carte d’identité génétique. Le rotifère est capable de réparer rapidement toutes ces cassures. Mais pas parfaitement. « En ce qui concerne les cellules du système reproducteur, elles attendent le moment de la méiose pour réparer les cassures. Cela leur permet de se réparer le plus correctement possible. Une manière de s’assurer une descendance intacte d’un point de vue génétique », explique Matthieu Terwagne.

Des changements dans les livres de biologie

Suite aux deux découvertes de l’équipe de scientifiques belges, supervisée par Karine Van Doninck (ULB-UNamur), en collaboration avec Bernard Hallet (UCLouvain), il y a du changement à inscrire dans les livres de biologie et d’évolution, au chapitre des rotifères. « Cela n’empêche que tous les mystères ne sont pas résolus, conclut Matthieu Terwagne. Quelles protéines (molécules) reconstruisent l’ADN du rotifère ? Et pourquoi ne sont-elles pas cassées elles aussi ? » Les recherches autour de ce minuscule animal ne sont pas près de se finir.