Tout le temps, de nouveaux mots apparaissent dans le langage courant. Certains d’entre eux sont même adoptés (acceptés) par les dictionnaires. En 2021, un mot est particulièrement revenu, au point d’être élu « nouveau mot de l’année » (voir cadrée) et il pourrait bientôt se retrouver dans le dico. Il s’agit du mot « ultracrépidarianisme ». Pardon?

« L’ultracrépidarianisme désigne le comportement d’une personne qui sort de son domaine de compétences et donne un avis incorrect, erroné. » explique le spécialiste de la langue française, Michel Francard. On peut donc considérer que quelqu’un est un « ultracrépidarien » dès lors qu’il exprime une opinion sans savoir de quoi il parle. Le mot vient du latin « crepida » qui signifie « sandale » et trouve sa source dans une anecdote racontée dans Histoire naturelle par Pline l’Ancien, un écrivain romain.

Apelle était un peintre de la Grèce antique qui avait pour habitude d’exposer ses toiles et de recevoir des commentaires des passants. Un jour, un cordonnier lui fait remarquer que la réprésentation de la sandale dans son tableau n’est pas correcte. Le lendemain, le cordonnier se rend compte qu’Apelle a apporté des modifications à cette sandale, tenant compte de ses remarques. Il lui dit alors qu’il devrait également corriger la jambe. Ce à quoi le peintre lui répond: « Cordonnier, pas plus haut que la sandale! ». Autrement dit, « tiens-t’en à ce que tu connais. »

 

Un mot pour représenter une réalité

Le mot «ultracrépidarianisme» est d’abord apparu en Angleterre, au 19e siècle, avant de débarquer en France en 2014 où il n’est mentionné qu’une seule fois. Avec l’arrivée de la pandémie de coronavirus en 2020, le mot gagne pourtant rapidement en importance.

Le covid étant entouré d’incertitudes, de doutes, y compris des experts de la question, de nombreuses personnes s’emparent du sujet, et sans avoir de connaissances particulières, partagent leur avis, qu’importe s’il s’appuie sur des faits ou non. Un mot est trouvé pour parler de ce phénomène en évolution qui correspond à une nouvelle réalité de notre vie quotidienne: l’ultracrépidarianisme. Et il se propage rapidement grâce aux médias (les journaux, la télévision), aux réseaux sociaux…

«Nous sommes dans une démocratie (pays dans lequel le pouvoir appartient à l’ensemble de ses citoyens) et nous avons tous le droit à la parole. Sur les réseaux sociaux, c’est la même chose: la parole est donnée à chacun, sans différence. Celle de l’un vaut (a autant d’importance que) celle d’un autre. Et tout cela se diffuse à grande vitesse, au monde entier.»

 

 

Sélection

 

Tous les mots ne se retrouvent pas dans le dictionnaire: il y a une longue liste d’attente. Si tu utilises un mot que tu as inventé, il y a peu de chances que celui-ci soit repris par d’autres… Pour y entrer, il faut que ce mot soit entré dans le langage courant depuis un certain temps.

 

 

 

Distinguer le vrai du faux

 

Face à tous ces experts autoproclamés (qui se donnent eux-mêmes ce statut), il est devenu difficile de distinguer le vrai du faux. Qui croire? Comment s’assurer qu’une source est fiable (qu’on peut lui faire confiance)? Le premier réflexe à adopter face à une information est de s’interroger sur son auteur et sur ses compétences. Sur son intérêt aussi à écrire telle ou telle chose. Ensuite, il est important de «recouper» les sources, c’est-à-dire, vérifier ce que disent d’autres sources d’une information. C’est ce qu’on appelle l’esprit critique et c’est un devoir pour tous ! Sur Internet, il faut être d’autant plus vigilant.

 

 

 

Le français, une langue en évolution

 

Le «nouveau mot de l’année» est une opération menée par les médias Le Soir et la RTBF. En collaboration avec une équipe de chercheurs, ils interrogent les internautes à l’occasion d’un grand sondage annuel. Tout le monde peut envoyer le mot qui lui semble être le nouveau mot de l’année, accompagné d’une définition. Ensuite, un jury sélectionne les dix mots qui sont revenus le plus régulièrement et les internautes votent enfin pour leur préféré. Cette année, plus de 5 100 personnes ont voté et malgré la complexité (difficulté) du mot, une personne sur cinq a opté pour «ultracrépidarianisme».