La Mini Transat est une course en solitaire qui démarre en France, aux Sables d’Olonne, avec une escale à Santa Cruz de La Palma aux Canaries, puis une arrivée à Saint-François en Guadeloupe.  Cette traversée de l’océan se réalise en solitaire, sans routage météo par satellite ni aucun contact avec la terre. 

Michaël Gendebien a mis 9 jours et 21h 52’ 35’’ pour boucler cette 1re étape à une moyenne de 5,68 nœuds (1 mille par heure = 1,852 km/h).

Qui peut participer à une telle course ?

Il faut terminer 1500 miles en course auparavant. Cela représente deux saisons d’été complètes de courses. Il faut avoir tous les tampons officiels de ces courses côtières qui, pour la plupart, se déroulent en Bretagne. On doit aussi réussir un parcours de qualification hors course. Il s’agit de démarrer de chez soi, d’aller jusqu’en Irlande, puis de redescendre à La Rochelle, en France, puis on remonte chez soi. Cette boucle est à réaliser seul. C’est un voyage qui permet de montrer que l’on capable de naviguer seul.

Quel est le défi de naviguer sur un petit bateau, long de 6,50 m ?

On ne navigue pas très haut sur l’eau. Les vagues entrent vite. Passer 7 ou 10 jours sur un bateau où ça mouille beaucoup, c’est très contraignant et difficile pour le corps. A l’intérieur, il n’y a pas d’aménagement.

C’est presque une coque vide.  Le bateau de course, il faut par définition, le faire le plus léger possible. Donc tout ce qui est aménagement est un peu superflu. Je dors donc sur un pouf à billes. Je mange en mode camping, avec un réchaud de camping et de la nourriture lyophilisée et sous vide. Si on rajoute l’hygiène et l’organisation, il faut bien ranger les choses. On n’a pas trop le droit à l’erreur. Si le briquet tombe à l’eau…

Il y a pas mal d’aspects à bien penser à l’avance pour que tout se passe bien. Evidemment, la toilette, c’est un seau. II n’y a pas de désalinisateur, donc on embarque l’eau à bord. Au fur et à mesure que les jours de la course défilent, j’arrive à recalculer mon besoin en eau et l’eau douce que j’ai embarquée en trop, je m’en sers pour me la verser sur la tête. Cela fait un bien fou ! Sur les 10 jours, j’ai pris une douche comme cela.   

Naviguer, c’est sans cesse penser aux voiles, non ?

Oui, j’y pense tout le temps. J’ai sept voiles différentes. Je dois sans cesse choisir la bonne pour la direction et la force du vent. Je manœuvre tout le temps. En dix jours, j’ai à peine eu le temps de faire un sudoku !  

Quels sont les outils pour la navigation ?

On a un GPS, quelques compas et cartes en papier. L’association qui organise la navigation sur nos bateaux définit des règles. L’une d’elles dit que l’on ne peut pas avoir de GPS avec un fond de carte.

On voit juste nos coordonnées, c’est-à-dire la latitude et la longitude. Pour se repérer sur la mer, on a aussi des waypoints, des points d’intérêt, que l’on a préparé soi-même avant la navigation. Mais donc nous n’avons aucun dessin sur le GPS montrant des cailloux, des îles, etc. On pourrait dire que l’on se fait mal pour rien car les outils existent et ils ne coûtent pas spécialement plus chers. Mais c’est une façon de faire un retour aux bases de la navigation.

On ne s’embourgeoise pas d’outils qui rendent la navigation trop facile. On tente de vivre les sensations les plus authentiques possibles au travers de cet exercice. Aucune autre course de voile ne le fait.

Disposez-vous des prévisions météo ?

Il n’y a pas de communication avec la terre, ni avec les satellites qui délivrent les fichiers météo. En revanche, ce serait inconscient de partir sans avoir de mises à jour météo. Donc tous les jours, j’allume mon poste radio, qui ressemble à un radio réveil d’autrefois. L’organisation utilise des fréquences très peu utilisées, ce sont des fréquences de RFI international, ce sont de longues ondes qui portent à travers l’Atlantique. A 15h, tous les participants de la course allument leur poste sur lequel on a une heure de diffusion.

On écoute et le directeur de course nous décrit la météo selon un mode opératoire un peu procédural : « nord-est 5 nœuds… » Il y a un code sur lequel on s’est tous mis d’accord et que l’on a étudié. Et en écoutant ce qu’il nous dit, on peut tout retranscrire sur une feuille et comprendre la mise à jour de la météo. On arrive ainsi à déceler les zones dangereuses, là où il pourrait y avoir du temps trop fort, et mieux comprendre la situation météo pour adapter notre stratégie en fonction de cela. C’est mon exercice préféré à bord !

Comment avez-vous vécu cette première partie?

Je suis parti très serein des Sables d’Olonne. J’avais un plan de match qui avait été réfléchi avec les prévisions météo de l’époque. Et ce plan allait jusqu’à la pointe de l’Espagne, au cap Finisterre. Jusque-là, j’ai déroulé mon plan de match comme je voulais. J’avais la vitesse qui me plaisait et j’arrivais à accrocher.

Je ne suis pas le plus rapide de la flotte donc forcément il y en a qui vont plus vite que moi, mais ils étaient encore à une distance raisonnable. A partir du cap Finisterre, la course a vraiment commencé car je ne devais plus écouter mon road book mais vraiment prendre mes décisions. J’ai voulu faire simple. Faire simple, en voile, c’est aller le plus possible vers l’objectif, même si ce n’est pas la route la plus courte en miles.

En voile, ce qui est beau, c’est que la route la plus rapide, ce n’est pas forcément la route la plus courte. J’ai voulu mettre ma stratégie d’aller à l’ouest, le vent a bien tourné comme je l’avais pressenti et c’est grâce à cela que j’ai pu remporter l’étape.

Les premiers jours, c’était la tempête. J’étais trempé et j’ai eu un peu le mal de mer tellement le bateau tanguait. Puis à partir de la pointe de l’Espagne, le vent fort est tombé. L’océan devenait de plus en plus calme. Bleu, soleil, des moments de bonheur, d’extase. Joie de pouvoir faire sécher les vêtements dehors. Et là, on commence être au large des côtes, on croise de la faune marine. J’ai croisé une baleine et des poissons volants.

Ces poissons ont la taille d’une grande sardine. Ils volent au-dessus de l’eau, ne voient pas grand-chose hors de l’eau et donc parfois finissent leur vol dans le cockpit. Ensuite, en poursuivant vers le sud, on arrive vers les îles Canaries, vers Madère. Après plusieurs jours en mer, notre odorat s’est habitué à ne pas sentir grand-chose. Quand on arrive près des côtes, on sent la terre, elle a une odeur.  Je ne sais pas si on sent la végétation, la forêt et la pollution peut-être.

Qu’est-ce qui est le plus éprouvant ?

C’est d’être en solitaire et donc d’être le plus possible réveillé. Donc c’est la gestion du sommeil. Dès que je suis fatigué, j’essaie d’écouter mon corps et d’aller dormir. Il s’agit de mettre le réveil, un réveil pour malentendant qui sonne très fort. Et je fais des siestes entre un quart d’heure et trois quarts d’heure maximum d’affilée. Cela me permet d’être alerte pour gérer les voiles, la sécurité, les croisements avec les autres bateaux, des cargos notamment. Quand je peux, j’enchaine les siestes pour me refaire des batteries. Mais à la fin de la course, j’étais très fatigué. Je me repose donc pour repartir en forme le 28 octobre.  

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

J’ai compris que la vie à bord, ce n’est pas simple. Sur la fin de la course, il y a eu 48 h avec du vent très fort, le bateau allait vite et il y avait beaucoup d’eau qui coulait sur le pont. Ça a été une grande fierté pour moi de me préparer un repas chaud. Arriver à chauffer l’eau, faire mon repas (de la nourriture lyophilisée), c’est-à-dire un plat de pâtes au bœuf forestier. Et j’ai mangé cela un peu comme un ours dans ma caverne à l’intérieur, avec la porte qui était fermée, tellement il y avait de l’eau qui passait par-dessus bord. Et à ce moment-là, c’était mon pilote automatique qui barrait. Il faut vraiment s’imaginer la confiance que l’on doit faire à ce pilote, en pareil moment.

Et ce pilote est réglé avec des paramètres sur lesquels j’ai beaucoup travaillé ces derniers mois. Donc, j’étais fier, même si je savais que j’étais sur le fil…

Comment voyez-vous la seconde partie de la course?

A présent, il faut traverser l’océan jusque de l’autre côté. J’ai quelques heures d’avance sur mes poursuivants. Cela va me permettre de partir avec un état d’esprit positif. Mon objectif est d’arrivé de l’autre côté avec une bonne position pour garder le résultat.

Quels sont les points d’attention, les difficultés dans cette traversée de l’Atlantique, en deuxième partie ?

Le vent sera dans notre dos, ce sont les alizés. Cela promet une navigation plus sympa, plus chaude.  En revanche, il y aura des grains, ce sont des gros nuages formés par la chaleur. Ils peuvent amener beaucoup de pluie ou de rafales. Ce sont des mini tempêtes. Ce sont des difficultés nouvelles pour moi.

Et puis, il y aura les sargasses, c’est un genre d’algues brunes qui ont beaucoup proliféré ces dernières années et qui forment parfois jusqu’à des terrains de foot entiers à la surface de l’eau. Ce sont de longues algues qui font pas mal de nœuds entre elles. Et quand on arrive la nuit, on ne les voit pas.  Il faudra les éviter.

Envie de suivre la seconde partie de Mini Transat 2023 ? Possible dès le 28/10 en regardant la carte sur le site Mini Transat. Michaël navigue dans la catégorie série. Il y a aussi des infos pour les écoles !