Chaque année, le 20 juin, le monde célèbre la Journée mondiale du réfugié. Cette journée internationale vise à rendre hommage aux personnes qui ont été forcées de fuir.

Ali est arrivé en Belgique en 2016. Il avait alors 12 ans et avait traversé beaucoup de pays. L’Afghanistan, dont il provient, est un pays d’Asie. À vol d’oiseau, la distance se chiffre à plus de 5 300 km! Il a pris des risques énormes pour arriver jusqu’ici, fuyant un pays miné par les conflits armés.

Les jeunes comme lui qui arrivent seuls en Belgique, et ont moins de 18 ans, sont appelés des «mineurs non accompagnés» (MENA). Ali connaît bien le parcours de demandeur d’asile. Il l’a connu et sa famille aussi, car celle-ci est finalement venue le rejoindre. Pour terminer ses études secondaires, Ali a décidé de réaliser un travail qui parle notamment de la vie en centre d’hébergement. En voici des extraits.

Les conditions pénibles dans les centres d’hébergement

« Dans les centres belges gérés par Fedasil (Agence fédérale pour l’Accueil des demandeurs d’asile) ou par la Croix-Rouge de Belgique, il y a plus ou moins 500 personnes qui résident. Les réfugiés y vivent dans des conditions très pénibles. En effet, au niveau de l’intimité, dans une chambre, il y a jusqu’à sept personnes de nationalités différentes. Il y a qu’une armoire pour sept personnes. Chacun y met ses vêtements et chaussures. Autant dire qu’il n’y a pas d’intimité. Cette promiscuité peut occasionner des problèmes d’hygiène notamment la transmission de maladies infectieuses. Par centre, il n’y a que quatre ou cinq douches pour énormément des gens. Certaines personnes ne prennent pas de douche pendant plusieurs jours, d’autres y font leurs besoins (car il n’y a pas assez de toilettes ou bien elles sont très sales). Dans mon centre, il y avait trois douches pour vingt personnes. Parfois, il n’y avait plus d’eau chaude, donc, on était obligé de prendre nos douches avec l’eau froide. Il y avait deux toilettes pour vingt personnes. Je n’ai pas besoin de vous décrire leur état avec un telle surexploitation. »

Pourquoi certains résidents s’alimentent-ils avec des chips et des boissons énergisantes ?

« La nourriture est un élément essentiel pour notre santé physique mais aussi mentale. Malheureusement, la nourriture servie dans le centre n’est vraiment pas de bonne qualité. En effet, c’est souvent de la nourriture cuisinée dans des collectivités, avec des moyens financiers réduits. Dans le centre, le budget de nourriture est 3,5 euros par personne. Par ailleurs, les aliments proposés ne sont pas adaptés à leurs habitudes alimentaires ou à leurs préférences. Certains mangent, d’autres pas. Ces derniers mangent alors des chips et des boissons énergisantes pour s’alimenter. Cependant, la majorité des demandeurs mangent la nourriture du centre car ils n’ont pas assez d’argent pour manger ailleurs. Dans de rares centres, il y a une cuisine accessible aux réfugiés qui peuvent cuisiner eux-mêmes.
Les résidents mangent tous ensemble dans une grande pièce avec 500 personnes. Chacun prend un plateau pour se servir de la nourriture et fait la file. Un centre d’hébergement, cela ressemble beaucoup à un centre pénitentiaire (prison), à la différence majeure que les résidents jouissent d’une certaine liberté. Ils mangent à cinq ou six, voire plus, par table. Les magasins d’alimentation se trouvent généralement loin du centre. Par conséquent, les résidents marchent pendant des heures pour arriver jusqu’aux magasins puisqu’ils n’ont pas moyens de transports pour s’y rendre. J’ai moi-même vécu cette situation. Quand j’étais dans le centre, nous recevions de la nourriture de collectivité, c’était vraiment répugnant. Parfois je ne mangeais pas et je restais toute la journée sans avoir mangé. »

L’adaptation difficile dans les centres

« L’adaptation dans un centre est vraiment difficile car les centres en Belgique se situent souvent en dehors des villes. Il n’y a personne qui circule en pareils endroits, sauf les quelques locaux et les réfugiés. C’est pourquoi, les réfugiés ne sont pas en contact avec les Belges. De plus, beaucoup de Belges ont peur des étrangers et ne vont pas spontanément à leur rencontre. Pour les réfugiés majeurs, c’est difficile d’apprendre la langue car, en Belgique, à partir de 18 ans, on n’est plus obligé d’aller à l’école. Par ailleurs, il y a peu de cours de langue ouverts aux réfugiés. En outre, comme les cours de langue ne sont pas tout près du centre, ils doivent se déplacer pour aller là-bas. Ils doivent prendre le bus et le train et, malheureusement, le centre ne finance pas le trajet (il ne paie pas l’argent de leur abonnement ou leur ticket). Donc, ils doivent payer avec leur argent, argent qu’ils n’ont pas ou qu’ils réservent à d’autres priorités comme la nourriture, … »

Les résidents s’ennuient beaucoup

« Ce genre de conditions de vie est supportable pour les gens qui restent trois ou quatre mois mais la plupart d’entre eux restent pendant quatre ou cinq ans même plus, ce qui ne manque pas de créer des tensions et des réactions de détresse (désespoir, anxiété, …). Ces conditions de vie extrêmes déclenchent parfois des bagarres favorisées par un mélange de personnes de cultures, de langues et d’habitudes de vie diverses, dans un espace restreint, sans avenir
certain. Ces personnes souffrent souvent de problèmes mentaux car elles restent toute la journée au centre et n’ont rien à faire pendant la journée (car elles ne peuvent rien faire). Ces personnes s’ennuient beaucoup. Elles ne peuvent pas pratiquer un sport ou un loisir, faute d’argent et de moyens de locomotion. Il y a un problème de connexion à internet aussi car il y a qu’un wifi pour les 500 personnes. Bref, elles n’ont rien pour s’occuper, ce qui n’est pas bon pour leur santé mentale déjà fragilisée par leur exil, leur parcours migratoire et leurs difficultés d’intégration dans un nouveau pays. De plus, comme ces personnes sont majeures, elles ne bénéficient pas de l’encadrement et de l’animation d’éducateurs. Il y a juste des assistants sociaux à disposition mais malheureusement dans un centre pour 500 personnes, il y a juste quelques assistants sociaux, qui n’ont pas le temps de s’occuper de tout le monde. »

L’absence de la famille est pénible pour les réfugiés

« La plupart des réfugiés arrivent seuls en Belgique. Ils restent pendant des années au centre sans leur famille, ce qui très difficile à supporter pour eux. Certains ont perdu leur famille pendant le trajet qu’ils ont parcouru jusqu’en Belgique. Pour certains, leur famille est restée dans leur pays d’origine. L’absence de la famille est pénible pour les réfugiés car ils ont un manque d’affection préjudiciable pour leur bien-être et leur santé mentale. Pour les réfugiés qui ont perdu leur famille, c’est encore plus difficile car ils pensent tout le temps à leur famille. Permettez-moi d’évoquer ma situation personnelle pour illustrer ce point. Je suis arrivé en Belgique seul et suis resté pendant six ans sans ma famille. C’était vraiment difficile pour moi, même si on a des gens gentils et solidaires autour de nous, ce qui ne comble pas notre manque d’affection. Pour les mineurs, c’est difficile aussi. Les mineurs, quand ils ont leur papier, peuvent organiser un « regroupement familial ». Ça veut dire qu’ils peuvent tenter de ramener leur famille en Belgique. Pour ça, ils doivent faire beaucoup de démarches administratives. Cela nécessite aussi un fameux budget qui n’est pas facile à rassembler.
Heureusement, il y a des aides au niveau administratif. En effet, il y a des gens qui sont spécialisés pour le regroupement familial. Ces experts peuvent aider les mineurs à remplir les papiers et à les envoyer à leur famille.
Malheureusement, au niveau financier, la Belgique n’aide pas à rapatrier la famille en Belgique. Ça veut dire que la personne qui veut faire un regroupement familial doit trouver de l’argent. Les billets d’avion, c’est la famille qui doit les payer. L’argent des tests ADN prouvant les liens familiaux, c’est elle qui doit les payer. Une fois arrivée en Belgique, la famille est prise en charge par la Belgique. »

Aujourd’hui Ali termine ses études secondaires.  » Plus tard, j’aimerais travailler dans un centre pour réfugiés en tant qu’assistant social. »