Kharkiv est la deuxième ville du pays. Dans cette ville située à l’est du pays, les 1,5 million d’habitants subissent les frappes des forces russes. C’est là que s’est rendu Emmanuel Peuchot, un journaliste de l’AFP (Agence France presse). Il explique avoir rencontré notamment des enfants âgés de 8 à 14 ans qui s’abritent dans un parking sous-terrain car les frappes se poursuivent dans la ville.

Alina, 9 ans: « Je suis inquiète pour ma famille et mes amis »

Alina, 9 ans, raconte comment a démarré la guerre, pour elle.  « Le 24 (février, premier jour de l’invasion russe), j’avais très peur, je tremblais. La première nuit, nous avons dormi sur des chaises, plus tard nos parents ont apporté des lits pour les enfants. Donc les enfants dormaient sur des lits et nos parents sur des chaises. Le premier jour ici, il n’y avait que deux bancs. Puis, nous avons tout apporté: les couvertures, les oreillers, la vaisselle. J’ai commencé à beaucoup pleurer: je m’inquiétais pour tout le monde, quand il y avait des bombardements ou des sirènes. Je suis surtout inquiète pour ma famille et mes amis, qui sont partis de Kharkiv, pour ma grand-mère qui est partie récemment dans son village situé à 15 km de la Russie. Je ne veux pas partir, car il y a ma famille, ma ville. Je suis née ici. »

L’école, malgré le conflit

« Le matin, on a des cours en ligne, l’après-midi je fais mes devoirs et pour la nuit on vient ici. Mon entraînement de kickboxing et mes cours de danse me manquent. La victoire pour moi serait quand je serai très heureuse. La guerre ne se terminera pas tout de suite, mais dans quelques semaines, elle se terminera, j’ai fait un vœu. Mon anniversaire c’était le 25 février. Je me suis réveillée, mes parents voulaient rentrer à la maison pour me faire de la cuisine, mais il y avait des bombardements. J’étais inquiète, je tremblais, c’était le jour de mon anniversaire, le deuxième jour de guerre, et on ne pouvait pas le fêter. J’espère que je fêterai mon prochain anniversaire sous des feux d’artifice, mais pas comme ceux-là (les bombardements) ».

Alex, 14 ans, ne réalise toujours pas ce qui se passe

« Au début, quelqu’un a appelé mon père et nous a dit de partir dans l’ouest de l’Ukraine ou ailleurs. Mon père ne voulait pas partir, il a dit que nous resterions à Kharkiv. C’était effrayant la première semaine. Après on s’y est habitué. Le premier jour, nous sommes restés à la maison, on écoutait les informations. Puis mes parents ont vu que les gens commençaient à descendre ici (dans le parking sous-terrain). On s’y est installé aussi, on a apporté une table, des chaises pour faire des lits. Au début, il y avait plein de monde, on ne pouvait pas se déplacer. Après, la moitié des gens sont partis, mais certaines personnes reviennent maintenant. Mes amis, l’école, les entraînements de kickboxing me manquent. En semaine, le matin, je rentre chez moi pour faire mes devoirs, puis je reviens ici pour déjeuner, jouer à des jeux, aux cartes, au téléphone… On s’y est habitué. Nos parents ne nous disent pas les détails de la guerre. Nous savons que des missiles frappent des bâtiments, des terrains de jeux. Nous savons que la guerre continue. Je ne réalise toujours pas ce qui se passe, ni pourquoi. Je sais seulement que des gens meurent, que des missiles frappent des immeubles. J’espère que ça va finir, que les présidents (ukrainien et russe) s’accorderont pour obtenir la paix. »

Kiril, 13 ans: « Personne ne doit se battre »

« Je me suis réveillé (le 24 février, jour d’invasion) et j’ai cru que c’était un feu d’artifice: mais non ! J’ai appelé mes amis pour leur demander ce qui se passait. Tout le monde paniquait. Ma mère travaille dans un hôpital, elle a été appelée pour y aller. Je suis venu ici avec un ami, mais c’était fermé. Mais après je suis revenu avec les parents. Il faisait totalement noir, c’était sale. Le lendemain, les gens ont apporté des canapés, c’est devenu plus confortable. Avant la guerre, je pouvais me promener dans un parc avec mes amis et mes parents, rendre visite à ma grand-mère. J’avais même prévu d’aller la voir, mais la guerre a commencé et tous les projets se sont effondrés. Je pensais que cela prendrait une semaine, mais maintenant cela fait déjà deux mois. J’essaie toujours de trouver des moyens d’apporter quelque chose ici pour les gens. Beaucoup de gens ont peur, mais je n’ai pas peur, j’essaie de soutenir tout le monde, je connais tout le monde ici, donc je le fais pour eux, je veux être gentil. Il est évident que nous devons vivre en paix, personne ne doit se battre. Un jour, ça finira quand même. Je veux que les présidents (ukrainien et russe) se parlent, qu’ils arrêtent la guerre. Bien sûr, je voudrais que nous gagnions, que nous reprenions nos terres. »

Lilia, 8 ans: « J’ai envie de respirer de l’air frais »

« Ma mère s’est réveillée quand ma grand-mère l’a appelée et lui a dit: « Les Russes ont commencé à tirer ». J’ai entendu ça et j’ai eu très peur, je pleurais. Plus tard, à 6 heures du matin, nous sommes venus chez grand-mère – elle habite ici -, puis nous avons entendu que des gens allaient au bunker (le parking), nous les avons rejoints. Il y avait 200 personnes le premier jour, il faisait très froid. Les parents nous ont fabriqué un lit. Nous dormons ici depuis le premier jour, il faisait très, très froid avant. On respire beaucoup de poussière. Je n’aime pas ça, j’ai envie de respirer de l’air frais. Je pensais que dans ma vie, il n’y aurait jamais la guerre. Avant, je prenais des cours de danse et de patinage artistique; maintenant, je ne peux plus le faire. Je pense que nous fêterons nos anniversaires, le mien, celui d’Alex, d’Alina… Nous ferons des barbecues, tout le monde sera avec nous. Ce sera la fin de la guerre pour moi. »