Fabienne Glowacz est psychologue et professeure de psychologie à l’université de Liège. Avec son équipe, elle a réalisé une enquête sur l’impact du premier confinement sur le moral des 12-18 ans. Une grande majorité des jeunes (huit sur dix) a montré un niveau d’anxiété (de grande inquiétude) plus élevé que la norme. Un jeune sur cinq a même présenté des symptômes (signes) de dépression.

Fabienne Glowacz, est-ce que c’est normal de ne pas se sentir bien?

La situation, qui dure dans le temps, nous amène à ressentir des choses qui peuvent prendre différentes colorations, dont effectivement celle de ne pas se sentir bien, d’en avoir marre… Ce sont toutes nos habitudes qui sont bouleversées. Et puis, les enfants peuvent aussi voir que leurs parents ne sont toujours bien non plus. L’ambiance peut être tendue à la maison… Dans notre parcours de vie, on passe par des phases plus difficiles, et c’est normal. Cela ne veut pas dire qu’on est forcément en dépression. On peut parler d’humeur dépressive.

Quels sont les signes de dépression chez les enfants?

L’état dépressif peut prendre différentes formes. Ce n’est pas toujours simple d’en identifier les signes, il faut être attentif. On peut parler de perte de plaisir, on n’a plus envie de jouer, on a des pensées négatives, on est énervé, agité, agressif, on a des troubles du sommeil, on est fatigué tout le temps, on a du mal à se concentrer, on perd son enthousiasme, on se sent nul et responsable des choses qui ne vont pas autour de nous…

Que peut-on mettre en place pour se faire du bien?

Si l’état dépressif est avancé, si l’on est vraiment très mal, il faut consulter un psychologue, se faire aider par un professionnel. C’est très important. Dans tous les cas, surtout, il ne faut pas rester seul avec son mal-être. Il faut pouvoir en parler à une personne de confiance. Ce peut être un parent, un grand-parent, un frère, une cousine,… Il faut faire sortir ce qu’on a en soi, l’extérioriser. Et trouver du soutien auprès de ses proches. Exprimer ce qu’on ressent et ce qu’on vit à l’intérieur, on peut le faire par la parole mais aussi par le dessin, les activités physiques, les promenades dans les bois… Et puis, on peut se protéger de ces ambiances et de ce climat négatifs liés à la crise en «activant» l’imaginaire et la créativité par la lecture et les jeux, qui permettent de prendre de la distance par rapport à la réalité qui peut être stressante. On choisit de faire des choses qui réactivent le plaisir: plaisir de jouer, de rire, d’être ensemble. Et puis, aussi, on peut poser des questions! En tant qu’enfant, d’un côté, on n’entend parler que de la crise, et de l’autre, on ne comprend pas tout. C’est important de comprendre, de donner du sens, pour être acteur de sa propre vie. Et être solidaire, en mettant sa créativité au service des autres. Par exemple, en réalisant des lettres, dessins ou bricolages pour d’autres.

Comment peut-on rassurer les enfants angoissés?

On peut leur dire que c’est comme si on était dans un tunnel. On ne connaît pas la longueur de ce tunnel. Mais ce dont on est sûr, c’est qu’on va finir par en sortir, et revoir tout le paysage, après. On peut aussi se focaliser (attirer son attention) sur le positif parce qu’il y en a. On a, par exemple, plus de temps en famille.