Nathalie de Villenfagne est psychologue dans une centre de planning familial, le Blé en herbe, à Namur. Elle rencontre beaucoup d’adolescents dans le cadre de son travail. Elle peut donc nous aider à comprendre ce qui se passe quand on devient ado…

«La première chose qui change, c’est le corps. Ça nous tombe dessus, on n’a pas le choix. Pour certains, le corps va nous trahir, d’autres vont se réjouir d’enfin devenir «grands»… Ça peut être superbien, plutôt bien, ou pas du tout bien vécu. Mais il y a le fait de ne pas savoir ce qui va se passer, comment… Et ce nouveau corps, il faut se l’approprier, s’y habituer

On passe alors beaucoup de temps devant le miroir, et on fait des selfies!

Les ados passent beaucoup de temps devant le miroir. C’est important pour s’habituer à ce nouveau corps. Aujourd’hui, les smartphones permettent également de faire des selfies, mais aussi de jouer avec des filtres. Grâce à cela, les adolescents vont pouvoir jouer avec leur apparence. Ça peut devenir un jeu qui aide à construire son identité.

Beaucoup d’adolescents changent de look, de coiffure, de style… Là aussi, c’est pour se construire une nouvelle identité?

Oui, mais il y a également le rapport aux autres: semblable et différent. On a besoin de sentir qu’on est le même que les autres, et en même temps, on est un peu différent, on a son style à soi. On cherche une image qui nous correspond, et qui est, en même temps, acceptée par le groupe dans lequel on a envie de se retrouver. C’est un équilibrage pas simple du tout…

Mes potes!

Le jeune a besoin de faire partie d’un groupe.

Oui. On peut avoir un jeune qui dit: «Je vais rater mon contrôle, je n’ai pas bien étudié», alors qu’il a travaillé. Mais c’est important, pour lui, de vivre les mêmes émotions que le groupe.

Parfois, les jeunes relèvent des challenges, prennent même des risques ou adoptent une attitude négative, pour se sentir «dans le groupe»!

Il peut y avoir des prises de risques, mais pas chez tous les jeunes. Ça peut s’expliquer par de multiples raisons. Le groupe, mais aussi, entre autres, le fait de vouloir se mesurer à la limite, de tester ce qui est possible. Ça peut être constructif.

Mais certains se laissent entraîner dans des tentations qui peuvent devenir nocives (mauvaises pour la santé), comme l’alcool, la cigarette, la drogue…

Oui, il y a des limites moins constructives. Ça peut être des passages, il ne faut pas trop vite s’alarmer. Mais si on est inquiet pour un copain, si on pense qu’il ne va pas bien, il est très important d’en parler à un adulte de confiance, de déposer ses interrogations auprès de quelqu’un.

Et si on vit trop fort la pression du groupe, qu’on a du mal à refuser certaines choses?

Pour rester dans le groupe, on fait parfois des choses qui ne nous plaisent pas. On peut les essayer, mais ce qui n’est pas normal, c’est de continuer à les faire si elles ne nous conviennent pas. Alors, comment arrêter? Peut-être en se rendant compte qu’il y a d’autres copains qui ne le font pas. L’important, c’est toujours de se dire: «Est-ce que c’est bien pour moi?». Si ça ne nous fait pas du bien, on peut en parler à un autre pote, à un adulte, regarder autour de soi…

Les relations avec les parents

À l’adolescence, les relations sont souvent tendues avec les parents!

Oui. En fait, au commencement de l’adolescence, il y a un début d’autonomie (le fait de se débrouiller seul). Certains jeunes commencent à prendre le bus, ou ils reçoivent un smartphone… Donc ils ont des moyens plus grands de prendre leur indépendance. Ça donne à certains une sorte de sentiment de toute-puissance, d’autres jeunes vont se sentir insécurisés de devoir sortir du cocon familial… Et il y a des allers-retours entre des moments où on se sent tout petit, on a besoin d’être rassuré, et d’autres où on n’a besoin de personne. De plus, à cause des hormones, on a un cocktail d’émotions très fortes: on a peur, on est très joyeux, puis très triste, très susceptible… On a une sensibilité exacerbée (démesurée, immense). Et ça crée un peu d’insécurité en plus, parce qu’on ne se reconnaît pas toujours dans ces yoyos émotionnels.

Beaucoup d’ados se rebellent face aux adultes… Ils s’enferment aussi dans leur chambre. Pourquoi?

On s’oppose à l’adulte, mais on va le chercher, aussi. On s’oppose pour faire comme les autres, pour appartenir au groupe d’ados, c’est comme une seconde peau rassurante. Et les murs de sa chambre, c’est aussi une seconde peau. On s’y sent en confiance, dans son cocon, on s’y replie. C’est important pour se sécuriser.

Traîner des pieds à l’école

Certains jeunes ne s’intéressent plus à l’école. Pourquoi?

À l’adolescence, on cherche beaucoup le sens de ce qu’on fait. Parfois, on trouve que l’école n’a plus beaucoup de sens. En fait, on est dans le tout, tout de suite. Et donc, on a parfois le sentiment qu’étudier des maths, ça ne sert à rien. Or, l’école a du sens par rapport à une ligne de vie, un parcours. Ça a aussi du sens parce que c’est là qu’on rencontre beaucoup de copains, qu’on teste des limites, qu’on développe certaines compétences… On peut s’épanouir dans des projets scolaires également.

Les filles d’abord

Filles et garçons démarrent leur puberté en même temps?

La puberté des filles est en moyenne plus précoce (elle commence plus tôt) que celle des garçons. Il y a des garçons qui vont avoir leur puberté plus tôt et des filles plus tard, bien sûr. Mais chez les filles, en moyenne, la puberté arrive entre 11 et 14 ans, et pour les garçons, c’est plutôt entre 12 et 15 ans.