Benoît Puissant nous attend devant l’écluse de La Plante, à Namur. C’est lui qui gère l’équipe de plongeurs du SPW (service public de Wallonie). «Pour le moment, on a six plongeurs, mais on va en engager deux supplémentaires. Notre mission principale, c’est de réaliser des inspections régulières de divers ouvrages d’art: piles (piliers) de ponts, barrages, écluses, berges… Parfois, on fait des petits travaux. On va aussi vérifier ce qui se passe après certains incidents: une porte d’écluse qui ne s’ouvre pas correctement, une péniche qui a heurté une berge, ou un batelier qui a senti quelque chose au fond de l’eau… »

Ici, des travaux ont été effectués par une entreprise il y a quelques semaines. Élodie Bultot et Pierre-François Gobert, chargés de vérifier si les travaux ont été bien faits, sont sur place. Ils ont besoin des plongeurs. Arnaud, Alex et Laurent sont là. L’écluse est bloquée, les bateaux sont à l’arrêt.

14 kilos sur la tête!

Arnaud s’équipe pour descendre sous l’eau. Il porte une combinaison de plongée, mais sans palmes (ce ne serait pas pratique pour tenir debout au fond). Sur sa combinaison, il enfile un harnais, sorte de gilet lesté de poids, auquel est fixé le «biberon» (une grande bouteille d’air de secours, en cas de problème avec l’arrivée d’air normale).

Il est aussi relié à un très long triple câble qui part de la camionnette de service garée au bord de l’eau. Ce triple câble, c’est le narguilé. La radio passe par un des tuyaux. L’air à respirer, stocké dans une bouteille, passe dans un deuxième. Et le troisième permet de savoir à quelle profondeur Arnaud se trouve. « Ici, il y a 3 m 50, explique Benoît Puissant. On est souvent à moins de 10 m et le maximum, c’est 50 m, à la Plate-Taille (lacs de l’Eau d’Heure).»

Laurent aide Arnaud à mettre sur sa tête un casque qui pèse… 14 kilos! Ce casque intégral protège bien la tête d’objets qui pourraient surgir ou tomber, mais il protège aussi du froid et du bruit. Il est connecté au narguilé: le plongeur reçoit l’air pour respirer et peut communiquer par radio grâce à un micro et des émetteurs intégrés au casque.

Benoît Puissant commente: «Le casque intégral est lourd mais il est bien isolé, il protège mieux. Sinon, on peut mettre un casque facial, avec une sorte de cagoule derrière. C’est plus léger, 4-5 kg, et ça se met facilement. Mais ça isole moins bien. » Heureusement, dans l’eau, les 14 kg ne pèsent presque plus rien!

Au milieu des poissons

Arnaud s’avance dans l’eau. À la surface, Alex le tire avec le narguilé pour l’aider à progresser vers la porte de l’écluse qu’il faut contrôler. C’est là que des travaux ont été effectués. Alex reste prêt à intervenir en cas de besoin. C’est le «plongeur de secours».

Dans la camionnette, Laurent communique avec Arnaud via la radio. Élodie et Pierre-François fixent des écrans d’ordinateur. Au fond de l’eau, Arnaud a sorti sa caméra et montre le bas de la porte. Quelques poissons passent et nous distraient. On les voit bien! Benoît Puissant approuve: «La Meuse est assez claire, parce que le fond est rocheux, ce sont des graviers, pas de la terre, et il y a du courant. Et puis, elle est moins sale qu’il y a quelques années, grâce aux stations d’épuration. Ailleurs, quand on plonge, tout est souvent noir, trouble. On doit alors travailler sans rien voir, à tâtons (en contrôlant avec les mains). Parfois, on sursaute parce qu’on est frôlé par un gros poisson qu’on n’a pas vu arriver, bien sûr. Un silure, par exemple, fait quand même 1 m 50-2 m!»

L’inspection continue dans la camionnette et sous l’eau. «Tu peux aller vers la droite, Arnaud?», demande l’équipe en surface. L’image se déplace. Un doute s’installe. N’y a-t-il pas une cloque, une surface légèrement bombée dans le béton? Nous, on ne voit rien, mais Élodie et Pierre-François s’interrogent. Il faudrait tester en faisant une ouverture-fermeture de la porte. Une manœuvre dangereuse : ouvrir la porte, c’est provoquer des courants dans l’eau et risquer de mettre le plongeur en danger. Arnaud fixe donc la caméra avec un pied puis s’éloigne pour se mettre à l’abri…

Il y a des risques

«C’est un travail difficile et qui comporte des risques, précise Benoît Puissant. Une fois par mois, on s’entraîne d’ailleurs à sortir un plongeur de l’eau. Il faut que ce soit rodé, on ne doit pas réfléchir aux gestes à poser en cas d’urgence.»

Une fois l’opération terminée, Arnaud remonte et se rhabille. Le casque est désinfecté et tout est rangé. Les images enregistrées seront examinées de plus près par Élodie et Pierre-François.

L’équipe de plongeurs, elle, démarre pour la mission suivante, à Comines (province du Hainaut). Deux heures de route avant de replonger. Tout sourire, Arnaud s’exclame: «On est passionnés! Il le faut, pour faire ce métier! »

Il est vrai qu’ils plongent toute l’année, en toute saison, dans une eau qui peut faire entre 2 et 20 °C.

Un boulot difficile et parfois risqué, mais nécessaire pour assurer la sécurité de tous et le bon fonctionnement des écluses et barrages…

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