Vincent Zabus a toujours voulu être scénariste de BD. Il explique qu’il a deux caisses remplies de scénarios…

«Depuis longtemps, j’avais l’idée d’une fille qui avait des problèmes à gérer ses émotions et qui, du coup, s’installait dans un frigo et mangeait des glaçons. Mais je ne savais pas quelle histoire en faire. Cette série va évoluer dans un univers de science-fiction (on s’imagine ailleurs, dans le futur, dans l’espace, dans une autre dimension). C’était la mode dans les années 1970, cela ne se fait plus trop aujourd’hui. En adoptant ce style un peu décalé, j’ai choisi de parler du monde actuel.»

Hercule et son copain Marlon (le personnage au long cou) sont de futurs agents intergalactiques. Ils sont chargés de venir en aide aux enfants dans tout l’univers. Quel est le danger?

Ce sera le sujet de chaque album. Dans le tome 2, il sera question d’immigration car une planète est devenue invivable. Le ton sera toujours drôle, poétique et l’histoire mettra en avant l’aventure. Je veux que les lecteurs s’amusent et rêvent. Enfant, quand je lisais des BD, je croyais à l’univers dans lequel je rentrais et la demi-heure de lecture me semblait très longue tellement j’étais immergé dans ce que je découvrais. L’idée de rendre ça possible, me plaît beaucoup! Mais, de mon côté, je ne peux pas raconter une histoire si le personnage n’a pas un lien avec une question qui m’habite.

Qui a décidé de l’apparence des personnages?

Les dessins sont réalisés par Dalena qui est le dessinateur de la série Ernest et Rebecca. Je lui avais partagé ce que j’aimais en BD et en dessins animés. Et il a tout réinventé. Je pense que c’est ça qui l’a emballé dans ce projet. Il pouvait créer tout l’univers, les personnages et le vaisseau. C’est un dessinateur qui est très fort. Il travaille vite, place beaucoup de cases dans les pages et réussit le tour de force de rendre cela lisible, joli et drôle. Si je lui donne des idées mais qu’il ne les réalise pas bien, ça tombe à plat. Et ici, c’est vraiment réussi. On sent son expérience du dessin animé. On sent aussi l’influence du manga et de la ligne claire (dessin où chaque élément est formé d’un trait d’encre noire d’épaisseur constante et rempli d’une couleur donnée). On s’est vite compris alors qu’il parle italien et moi pas. Donc, on a très peu communiqué. Mais avant d’écrire le scénario, j’avais beaucoup lu ses albums et j’ai écrit en pensant à son dessin, sachant que nous ne pourrions pas nous parler.

Hercule et Marlon sont maladroits, pas très sûrs de réussir leur examen d’agents intergalactiques!

C’est intéressant de parler des nuls car pour eux, c’est plus difficile. Souvent, ils sont plus drôles, plus touchants. Ici, Hercule et Marlon, c’est le petit nerveux et le grand bête. Ils sont tout jeunes et c’est ceux dont on attend le moins. C’est le genre de personnages qu’on a envie de défendre! Je pense que les enfants peuvent s’identifier à eux.

INTERVIEW

Vincent Zabus, comment es-tu devenu un scénariste?

Mon idée première était de faire de la bande dessinée. J’avais 18 ans, il n’y avait pas d’école de scénario. Alors, je me suis dit que j’allais étudier les langues romanes (dont le latin) à l’université et que je deviendrais prof de français, le temps que cela marche en BD et que ce serait chouette aussi. Durant mes études, j’écrivais évidemment des scénarios BD mais je ne réussissais pas à les faire publier. Quand je suis devenu professeur dans une école, on m’a demandé de mettre en scène des élèves de 5e et 6e années secondaires. Je n’avais jamais fait de théâtre. C’était bien mais j’ai senti que je devais me former. J’ai suivi un stage pour faire du théatre de rue. J’ai appris à être un bonimenteur, celui qui interpelle les gens, joue avec la situation du moment… Et lors du festival Namur en mai, à Namur, notre groupe de bonimenteurs a plu. On a commencé à tourner. Une compagnie de théâtre, Les Royales Marionnettes m’ont engagées. Puis d’autres. Durant plusieurs années, j’ai avancé en théâtre et ça marchait. Par contre, en BD, on me refusait mes scénarios! Dans les compagnies avec lesquelles je travaillais, on faisait du théâtre de rue et petit à petit, je me suis mis à écrire des textes. Je chante très mal, je n’ai pas ce talent-là mais écrire je savais mieux. J’ai donc appris à écrire à et à jouer au théâtre. Je n’étais alors plus professeur que la moitié de mon temps.

Et comment la BD est-elle revenue dans ta vie?

Durant toutes ces années, j’ai eu le temps d’écrire deux caisses de scénarios. Tous ont été refusés partout. Et parfois de façon très sèche. Cela marchait bien au théâtre, je devenais comédien, ce qui n’était pas prévu, par contre ça ne décollait pas en BD.

Je me souviens de cet éditeur qui m’avait fait des refus «très colorés» du genre: « j’ai envie de travailler avec toi parce que je te trouve sympa mais que ce que tu fais est nul!»

Des années plus tard, il m’a demandé si ces refus m’avaient aidé. Pas du tout! On a parfois cette idée qu’en descendant les gens ils vont réagir et ça va aller. Mais moi, ça m’a paralysé. Et c’est plutôt la bienveillance que j’ai eu la chance de découvrir au théâtre, là où je n’attendais rien, qui m’a porté. Avec les Bonimenteurs, on pouvait se permettre des moyennement bons, au début, car personne ne nous connaissait et ne nous attendait. Du coup, on s’est aguerri (on est devenu plus forts). Et c’est l’expérience, la pratique, le recul qui m’ont apporté la confiance.

La confrontation avec l’éditeur c’est dur car il en veut. Et c’est normal, il doit décider s’il met de l’argent sur un projet et il n’est pas là pour m’écoler (m’apprendre à faire du scénario). Il fallait arriver à un certain niveau et je ne l’avais pas. Mais comment apprendre? Il fallait faire et refaire. J’ai eu la chance d’avoir une petite porte ouverte, le théâtre, et je me suis engouffré. Je me suis accroché et, à force, j’ai rencontré des metteurs en scène qui m’ont appris à jouer. Je ne pense pas que j’avais un don, c’était juste une porte ouverte. Et après, ayant repris confiance, malgré les échecs passés, je suis allé refrapper aux portes des éditeurs. Et là, ça a marché. Maintenant, je suis comédien et scénariste de BD.