Piero Amand, 18 ans : «Mes parents m’ont éduqué dans l’optique d’un respect et d’un contact avec la nature. Mais il y a trois ans, j’ai compris que je pouvais moi-même changer des choses. J’ai vu le film Demain qui montrait les problèmes et surtout des solutions. Je me suis intéressé à la politique, à ce qu’elle proposait comme solutions pour que la société pollue moins.»

Que doit-on faire, selon toi?

On doit s’organiser ensemble pour créer une nouvelle société. Depuis des centaines d’années, on fonctionne dans le capitalisme industriel qui veut produire toujours plus et détruit des équilibres. On doit s’arranger pour que notre société industrielle ait moins d’impacts (effets) sur la nature.

Et tu as créé un groupe Génération climat?

Oui, nous l’avons fait à sept. Nous avons créé la page Facebook Génération climat, c’est un relais francophone pour les jeunes qui manifestent. Beaucoup de manifestants sont néerlandophones. On a créé aussi un manifeste (une présentation de nos idées). On a envoyé ce texte aux médias et on a été invités par deux ministres: Madame Marghem (la ministre fédérale de l’Environnement) et Monsieur Crucke (le ministre wallon du Climat).

Quelles réponses avez-vous reçues ?

On a été très déçus car les ministres ne nous écoutaient pas. Ils nous ont juste invités pour nous dire ce qu’ils ont déjà fait. Ils pensent que les jeunes sortent dans la rue pour les soutenir et renforcer leur action politique. Alors que c’est tout le contraire. On s’oppose à ce qu’ils font car ils ne font pas assez et pas bien. On est nés à des époques différentes. C’est comme s’il y avait un dialogue impossible. Nous, on dit que le train, c’est moins cher et on leur demande pourquoi ils ne le développent pas. Mais, eux, leur vie s’est développée autour de la voiture et ils la voient comme un droit auquel on ne peut pas toucher.

Penses-tu que beaucoup d’autres jeunes ont les mêmes idées que ton groupe?

Non, car on est dans une société qui nous encourage à surconsommer, à l’individualisme (à privilégier les intérêts personnels). Youth for Climate, le groupe organisateur des marches pour le climat est assez modéré (mesuré). Nous, on pense qu’il faut aller plus loin que les grèves pour le climat. On croit aux actes de désobéissance civile comme un sit-in (manifestation non violente consistant, pour les participants, à rester assis sur la voie publique) ou bloquer un site stratégique par exemple. Car on veut se faire entendre.

Dans ton école, peux-tu aller manifester?

Oui, mais il y a une nouvelle règle qui dit que chaque jeudi, seuls vingt élèves peuvent aller manifester et c’est une tournante. Comme ça, ce ne sont pas toujours les mêmes.

Adélaïde Charlier, 18 ans:

« J’ai rejoint le mouvement Youth for Climate car il y avait trois jeunes néerlandophones et il fallait quelqu’un qui relaie du côté francophone. Je pense que cela fonctionne très bien. On est davantage de francophones à présent dans les rassemblements. J’ai voulu rejoindre les organisateurs car, comme beaucoup de jeunes, je suis inquiète pour mon futur et sans doute aussi celui de mes enfants. Nos experts disent que si on continue comme ça, il y aura énormément de conséquences graves.»

Est-ce que ces marches changent quelque chose?

La prise de conscience se fait petit à petit. Mais je pense que notre objectif, c’est aussi l’action. Et du côté politique, on nous dit qu’on a déjà agi, que beaucoup de choses ont déjà été faites mais pas bien expliquées. Le problème, c’est que l’on ne voit pas sur les graphiques que le CO2 (un des gaz à effet de serre responsables du réchauffement du climat) diminue. Or, l’Europe veut «zéro émission» de gaz à effet de serre en 2050.

De notre côté, nous avons des propositions concrètes mais nous sommes des jeunes donc nous ne savons pas si c’est réalisable. Donc nous avons besoin d’experts qui parlent avec nous et qui travaillent avec les politiciens. Nous demandons d’arrêter de privilégier (favoriser) les financements des aéroports plutôt que les transports en commun. Et bien sûr, on doit chacun aussi faire des efforts. Nous devons vraiment changer nos habitudes. Il faut des mesures radicales mais c’est aux politiciens à agir. Nous allons continuer jusqu’aux élections du 26 mai. Nous voulons peser sur les candidats pour qu’ils mettent le climat en priorité dans leur programme. Je pense que le mouvement des jeunes ne va pas cesser. On n’aura sans doute plus 35 000 élèves dans les rues. Mais on va tout faire pour que le mouvement continue et que les jeunes fassent passer ce message du climat.