Le 24 février, 25 récompenses ont été remises pour des films sortis en France en 2022. Trois de ces trophées, appelés des César, ont été offerts à des Belges.

Bouli Lanners a reçu le César du meilleur second rôle pour La Nuit du 12, un film qui a raflé six récompenses ! Le comédien liégeois n’en revenait pas.

Bouli Lanners a reçu le César du meilleur second rôle. (Photo BERTRAND GUAY / AFP)

Le César de la meilleure actrice est lui revenu à Virginie Efira, pour le film Revoir Paris. Elle avait déjà été nominée cinq fois sans recevoir de prix. Cette fois, ce fut la bonne!

Virginie Efira a reçu le César de la meilleure actrice. (Photo BERTRAND GUAY / AFP)

Enfin, un autre Belge est monté sur la scène de l’Olympia, où se tenait la cérémonie. Luc Thomas a reçu le César du meilleur son dans le film La Nuit du 12, avec ses deux collègues François Maurel et Olivier Mortier. Luc Thomas, tu ne le connais pas… mais il a travaillé sur des films d’animation, notamment, que tu as peut-être déjà vus: Le Voyage extraordinaire de Sammy, Bigfoot Junior, Royal Corgi, Hopper et le Hamster des ténèbres,...

Cet ingénieur du son avait déjà reçu deux récompenses belges, des Magritte, en 2014 et 2015. Et, comme Virginie Efira et Bouli Lanners, il est nominé pour les Magritte 2023, qui seront remis le 4 mars.

Luc Thomas et ses deux collègues ont reçu le trophée du meilleur son. (Photo BERTRAND GUAY / AFP)

Que fait le mixeur sur un film?

Luc Thomas, nous le connaissons un peu, au JDE. On l’a vu travailler sur le film Bigfoot Junior, en 2017. Mais en 2015, déjà, il nous expliquait son travail. Et comme c’est un métier peu connu, on a eu envie de mettre en ligne ici ce qu’on avait alors écrit dans le journal…

Mixer le film : travailler et doser tous les sons !

Le mixeur arrive à la dernière étape de la création d’un film. Son rôle ? Mixer tous les sons !
Luc Thomas mixe les sons de longs métrages (films longs) depuis 2004. Son travail ? Prendre tous les sons d’un film, les modifier et les assembler. Chaque bruit, chaque voix, chaque note de musique doit être à sa place, sonner « juste » et n’être ni trop fort ni trop faible.

Quels sons ?

Le mixeur reçoit des sons d’origines diverses :

– les sons directs, enregistrés pendant le tournage.
– ce que le bruiteur a enregistré dans un studio : des bruits de pas, de verre brisé, de portière de voiture qui claque, de robinet qui coule…
– les dialogues que les acteurs ont réenregistrés dans un studio après le tournage.
– des sons d’ambiance enregistrés au tournage ou provenant d’une sonothèque (bibliothèque de sons) : air, vent, circulation, forêts, avions, moteurs, intérieur d’une maison…
– les musiques du film.

En effet, on ne se contente pas des sons enregistrés pendant le tournage. Il faut les compléter, remplacer ceux dont la qualité est insuffisante…

Il faut aussi en réenregistrer pour la version internationale du film. Dans cette version, on retire les voix pour qu’elles soient réenregistrées dans d’autres langues. « Mais si on retire les voix du tournage, explique Luc Thomas, on coupe aussi tous les sons enregistrés en même temps. Il faut donc les réenregistrer en studio ».

Et les voix ? Pourquoi faut-il en réenregistrer ? Luc Thomas : « Quand on monte (met bout à bout) les images, on entend des coupures dans le son, des bruits de fond qui changent ou qui empêchent de bien comprendre les dialogues… Alors, on fait revenir les comédiens en studio pour réenregistrer certaines phrases. Pour eux, ce n’est pas facile, parce qu’ils sont hors contexte (ils ne sont plus dans leur personnage, dans l’ambiance du film, dans l’histoire…). Mais on doit le faire. On ajoute aussi une ambiance sonore qui lisse tout  (une ambiance de bruit de fond qui uniformise). »

Luc Thomas en train de mixer le son de Bigfoot Junior en 2017.

Régler, modifier, doser, mélanger…

Le mixeur reçoit donc tous ces sons et doit se débrouiller…

« Je dois régler les aigus et les basses de chaque son. Je les place dans l’espace : le son est-il proche ou loin du personnage que l’on voit à l’écran ? Je dois aussi leur donner des effets : une voix dans l’eau est différente d’une voix dans une grande pièce… »

Il faut aussi assembler tous les sons en mettant le bon dosage pour chacun : « Au mixage, on essaie de recréer ce que fait notre cerveau dans la vie. Par exemple, si on est dans un café très bruyant, le cerveau concentre l’attention sur la conversation, et on oublie, on n’entend presque plus les sons autour. C’est l’effet “ gros plan ”. »

Samy : 200 pistes sonores

Ce travail de mixage est énorme et complexe (compliqué). On se demande comment Luc Thomas s’y retrouve au milieu de tous ces sons ! Il a notamment mixé les dessins animés Le Voyage extraordinaire de Samy. « Bien sûr, dans un film d’animation, il n’y a pas de sons enregistrés au tournage. Tout est créé en studio. Ça fait beaucoup plus de pistes sonores, puis tous les sons sont enregistrés séparément. Pour Samy, j’ai eu jusqu’à 200 pistes différentes ! »

En général, Luc Thomas met trois à quatre semaines pour mixer un film. Ce travail, il le réalise dans une grande salle, pour être dans les conditions d’acoustique réelles (pour entendre comme s’il était dans une salle de cinéma). Autour de lui, une toute petite équipe : le monteur son, le monteur image, le réalisateur et, parfois, un assistant.

Quelle est la qualité d’un bon mixeur, sur le plan technique ? « Que son travail ne s’entende pas ! », répond Luc Thomas. Un professionnel du son qui veut qu’on ne l’entende pas ? C’est normal : si le spectateur « entend », fait attention au son ou aux bruits, c’est que quelque chose cloche et le distrait du film ! C’est donc qu’il a mal travaillé…