Son entrée était déjà connue des habitants de Comblain-au-Pont (province de Liège) au Moyen-Âge. « À l’époque, elle servait de poubelle géante où étaient déversés carcasses d’animaux et déchets en tout genre. Elle était même utilisée comme oubliette (prison) pour les prisonniers », nous explique Chantal Counson, animatrice à « Les découvertes de Comblain ».

Il faudra pourtant attendre 1900 pour qu’on découvre qu’une grotte se cachait sous ce trou géant. « Personne n’osait s’y aventurer, jusqu’au jour où un chien est accidentellement tombé dans l’abîme (gouffre, trou très profond). Tracassée par la disparition de son animal, une petite fille demanda de l’aide aux villageois. C’est en secourant le chien qu’ils ont découvert la première salle de la grotte de l’Abîme », poursuit Chantal Counson.

L’entrée naturelle de la grotte de l’Abîme, là où le chien est accidentellement tombé en 1900 – EdA-C.J.

Calcaire et eau

Mais comment s’est formée cette grotte ? Petit détour par quatre maquettes animées. « C’est un peu comme ‘C’est pas sorcier’ », nous glisse avec humour Éric Dandoy, l’autre animateur du jour.

Les 4 maquettes animées de la présentation – EdA-C.J.

Une première maquette nous montre la formation de la roche locale, le calcaire, il y a 360 millions d’années ! « Elle est faite de restes de petits animaux qui se sont déposés sur le sol de la mer. Au fil du temps, cela a créé une épaisse couche », nous apprend Éric Dandoy, tout en versant des gommes dans la maquette. « Sous la pression des différentes couches, le tout s’est compacté pour devenir la roche que l’on connaît aujourd’hui. »

Éric Dandoy expliquant la formation du calcaire – EdA-C.J.

Vient alors la tectonique des plaques. La roche s’est pliée sous la pression du mouvement des plaques de la croûte terrestre. « Le calcaire, en pliant, s’est fissuré à certains endroits, créant des diaclases. » Ces diaclases sont le point de départ de la grotte. Ensuite, c’est une histoire du travail de l’eau sur le calcaire. « À la surface, il y avait un ruisseau au-dessus de la diaclase. L’eau va finir par être piégée par la fissure. En s’y engouffrant, elle va l’agrandir et l’approfondir, créant ainsi les salles de la grotte », explique Éric Dandoy, en remplissant sa maquette d’eau.

Éric Dandoy expliquant la formation des salles de la grotte, grâce au phénomène de corrosion – EdA-C.J.

Tout cela est lié à un phénomène : la corrosion. L’eau, en passant par le sol, se charge en CO2, provenant de restes d’animaux morts et de racines des plantes. Le C02 rend l’eau acide. L’acidité attaque et façonne le calcaire. Pour nous le démontrer, Éric Dandoy prend un bout de calcaire et y déverse quelques gouttes d’acide. Ça marche ! Une partie de la roche fond.

Réaction chimique de l’acide sur le calcaire – EdA-C.J.

À l’époque de la création de la grotte de l’Abîme, celle-ci était remplie d’eau. Avec le temps, l’Ourthe, la rivière locale, a creusé la vallée, emmenant avec elle l’eau qui se trouvait à l’intérieur. Vidées, les salles vont alors peu à peu se garnir de concrétions: des accumulations de calcaire qui ont formé les stalagmites et stalagmites bien visibles de nos jours.

Salles et concrétions

C’est maintenant l’heure d’aller admirer pour de vrai ces concrétions. Munie d’un casque et d’une lampe torche, Chantal Counson nous invite à entrer dans la grotte. « C’est sportif, il y a 640 marches en tout », nous prévient-elle. Au moment d’emprunter l’escalier de l’entrée artificielle, on sent la différence de température. Il fait frais, on a bien fait de mettre un pull ! « La température est la même toute l’année, de jour comme de nuit, à environ 10 degrés », explique Chantal Counson.

L’entrée artificielle de la grotte – EdA-C.J.

On comprend aussi rapidement l’utilité de la lampe de poche. À l’intérieur, c’est très sombre… et silencieux. Seuls le bruit des gouttes d’eau qui tombent sur le sol et l’écho créé par nos voix vient briser cette impressionnante tranquillité. Chantal Counson commence par nous montrer une diaclase. « Il y en a une dans chaque salle. Comme on l’a vu, c’est depuis ces fissures qu’elles se sont formées ».

Une diaclase dans l’une des salles de la grotte – EdA-C.J.

Pendant la visite, on découvre les 12 salles qui ont été mises à jour par les géologues (scientifiques qui étudient la composition de la Terre). « Chaque salle a un nom. Les géologues se sont inspirés de la forme des concrétions qu’ils voyaient. Ici, nous sommes dans la salle de la Cascade, parce qu’on peut clairement imaginer une forme de cascade créée par les stalactites et stalagmites », précise notre guide.

La « cascade » qui a donné son nom à la salle de la Cascade – EdA-C.J.

Dans la grotte, on aperçoit du blanc, du jaune, du noir et même de l’orange ! « La calcite (minéral provenant du calcaire) est blanche. Mais, par endroits, elle s’est mélangée à d’autres éléments. Avec de l’argile, elle donne du jaune, avec des matières organiques (humus, feuilles décomposées), du brun, avec du fer, elle sera orangée. » Un vrai spectacle pour les yeux !

Dans la grotte, différentes couleurs se mêlent pour donner un magnifique spectacle naturel – EdA-C.J.

Les animaux de la grotte

Dans la grotte de l’Abîme, la température, l’humidité et l’obscurité sont un frein au développement de la vie. Malgré tout, certains êtres vivants se sont adaptés à ces conditions plutôt particulières. Ils forment trois groupes:

  • Les résidents permanents. Ils vivent dans la grotte toute l’année. C’est le cas du Niphargus, un petit crustacé ressemble à une crevette. Il n’a pas d’yeux (c’est inutile) et vit bien plus longtemps que ses cousins qui vivent à l’air libre.
  • Les hôtes temporaires. Ils vivent à l’extérieur, mais peuvent pénétrer dans les grottes. C’est le cas de certains moustiques, des papillons, des grenouilles,…
  • Les hôtes réguliers. Ils séjournent régulièrement dans la grotte mais peuvent également vivre à l’extérieur. C’est le cas des chauves-souris, de certaines araignées, des escargots. Les chauves-souris, par exemple, viennent en nombre dans la grotte pour hiberner, entre octobre et avril. Plusieurs salles sont d’ailleurs fermées pendant cette période afin de ne pas perturber leur repos.

Stalactites et stalagmites

La grotte de l’Abîme est l’une des plus concrétionnées de Wallonie. En visitant les 12 salles, on y découvre les nombreuses concrétions. Parmi elles, stalactites et stalagmites. Ils ont une croissance d’environ 1 cm par siècle !

Chantal Couson devant la salle du Petit Lac. On peut y apercevoir des stalactites et stalagmites – EdA – C.J.

Mais sais-tu comment les différencier ?

Dans le mot stalactite, on entend « -tite » comme dans tombe et dans la stalagmite, on entend « -mite »
comme dans monte.

Lorsqu’un stalactite et un stalagmite se rejoignent, ils forment une colonne.

En savoir plus

La grotte de l’Abîme de Comblain-au-Pont est accessible tous les jours du 15 juin au 15 septembre 2023, à raison de quatre visites guidées par jour. Durée de la visite : environ 1h15. Prévoir un pull et des chaussures de marche.

Plus d’infos et réservations par ici  : www.grottedecomblain.be