Philippe Henon travaille à l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance. Cette organisation fait partie de l’ONU (Organisation des Nations Unies, qui réunit presque tous les pays du monde et a pour but de défendre la paix). L’UNICEF a pour mission de protéger les enfants dans le monde entier. Elle fait partie des associations et organisations qui agissent dans la région touchée par les séismes du 6 février en Turquie et en Syrie. Nous avons demandé à Philippe Henon de nous expliquer quelle aide on apporte aux enfants.

Quelles sont les priorités après une catastrophe?

Dans l’aide d’urgence, il y a toujours trois périodes :

  • l’aide immédiate : on travaille avant tout à aider les personnes à survivre
  • la réhabilitation : placer des tentes, des centres temporaires pour les soins et l’école…
  • la reconstruction des maisons, des écoles, des hôpitaux, des villes… Cela va prendre des années.

En Turquie, on est entre la première et la deuxième phase. En Syrie, pays en guerre, on a perdu du temps parce qu’on n’a pas accès à tout le territoire. Depuis le début, on est à Alep, Idlib et Hama (trois villes) sans problème. Mais pour les zones qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement, c’est difficile. La semaine dernière, des points de passage ont été ouverts à la frontière turque. On a pu amener 140 camions de matériel ce week-end en Syrie. On travaille avec 17 ONG (organisations non gouvernementales) locales pour distribuer ce matériel. Là, on est encore dans l’urgence : sauver des vies et soigner les blessés.

Comment vient-on en aide aux enfants turcs et syriens touchés par le tremblement de terre?

La priorité immédiate, c’est que les enfants et les familles reçoivent de toute urgence des vêtements d’hiver, des couvertures, des kits d’hygiène (avec du savon, des brosses à dents, du dentifrice, des essuies, des bassines pour transporter l’eau et se laver, des sachets avec de quoi nettoyer l’eau de ses bactéries,…). On distribue aussi des kits de fournitures essentielles pour les mamans et les bébés.

Ce qui est important aussi, c’est que les personnes aient accès à l’eau potable. On sait, de nos expériences ailleurs, que l’accès à l’eau potable est urgente pour éviter des maladies comme le choléra (la bactérie de cette maladie peut se retrouver dans l’eau des ruisseaux, des puits… et contaminer les gens qui la boivent). On voit souvent que des enfants tombent malades et peuvent mourir à cause de ce genre de maladie. Donc, on a travaillé à l’approvisionnement en eau potable dès le premier jour. On essaie de réparer les points d’eau existant dans les rues, et des camions distribuent de l’eau deux fois par jour. Les gens peuvent venir chercher de l’eau avec des bidons. On fait ça avec d’autres organismes comme Oxfam.

Que deviennent les enfants qui ont perdu leurs parents dans le séisme?

On travaille effectivement à la protection des enfants. On essaie de trouver les enfants qui ont perdu le contact avec leurs parents, qui sont séparés de leur famille ou dont les parents sont morts. En Turquie, au début, on en avait identifié plus de 1000. Il en reste encore 300.

Des équipes de l’UNICEF, de la Croix-Rouge et d’autres organisations vont voir les enfants qui semblent seuls et leur parler. Quand il s’agit d’un enfant visiblement isolé, on l’emmène dans un centre d’accueil. On prend des photos, on note son nom, et on met les photos sur des sites Internet spécifiques et à des endroits centraux. Les personnes peuvent voir les photos et, s’ils reconnaissent un membre de leur famille, ils peuvent venir le chercher. Si quelqu’un se présente pour un enfant, on va évidemment essayer de vérifier les cartes d’identités et suivre toute une procédure pour s’assurer qu’on ne confie pas l’enfant à n’importe qui.

Que se passe-t-il pour les enfants choqués, traumatisés, marqués par ce qu’ils ont vécu?

A Lattaquié, en Syrie, ces enfants et leur maman sont accueillis dans ce centre d’urgence. (Unicef/Haddad)

On organise ce qu’on appelle une aide psychosociale. Les enfants ont vécu et vu des choses terribles : ils ont parfois perdu leur maison, ils ont peur, certains ont vu des blessés ou des morts. On les reçoit dans des centres « amis des enfants ». Ce sont des tentes dans lesquelles les familles, les mamans, les enfants sont accueillis. Là, on vérifie leur santé et on leur donne la possibilité de jouer, de dessiner. En regardant leurs dessins et leur comportement, on peut mesurer le degré de traumatisme des enfants et les mettre en contact avec des psychologues pour les aider. C’est important de réagir très vite pour qu’ils puissent revenir à la vie normale le plus vite possible. 

Beaucoup d’écoles sont détruites, des familles sont déplacées loin de chez elles, et des enseignants ne sont plus là, sans doute. Les enfants ne sont plus scolarisés?

On va en effet essayer de remonter des écoles dans les semaines à venir. C’est important pour donner aux enfants une sorte de retour à la normale. Et pour les parents, c’est rassurant aussi de remettre les enfants dans une école et, pendant ce temps, ils peuvent prendre le temps de reconstruire leur vie, de s’organiser pour faire face…

Combien d’enfants sont concernés par cette catastrophe en Turquie et en Syrie?

On estime que 7 millions d’enfants sont touchés, autrement dit, ils sont blessés, ont perdu leur famille, ou n’ont plus de maison, plus d’eau potable, plus d’école… Dans les deux pays, la population est très jeune, donc les enfants sont les plus grandes victimes.

Beaucoup de familles sont regroupées dans d’autres villes, loin de chez elles. Il va falloir reconstruire les villes, les écoles, les hôpitaux qui ont été détruits. Il faudra des années.