L’Enduroman n’est pas une épreuve ouverte à tout le monde.

Que faut-il prouver pour y participer, Arnaud de Meester ? 
« C’est une course très difficile qui dépend du coefficient de la mer (indicateurs de mouvement et de force des marées), du vent, des dénivelés, de la fatigue, de la faim. J’ai une résistance à l’effort assez importante et surtout une très belle récupération, très rapide. Ce sont des qualités indispensables. J’ai posé ma candidature puis participé à deux stages où on a testé ma condition physique et mon mental et j’ai été accepté. Ensuite, j’ai reçu mon slot, c’est-à-dire des dates qui s’étalent sur une semaine. Et c’est aussi cela qui est difficile car on peut très bien partir le 2 ou le 6 du mois. Cela dépend de la Manche, de ses marées. Il faut donc être très flexible. Or, c’est une course qui suppose d’avoir une équipe autour de soi. On ne fait pas la course sans cette aide technique. Donc il faut que plusieurs personnes aient aussi cette souplesse horaire. C’est une course qui est surnommée comme l’une des courses les plus difficiles au monde. »

« La Manche, c’est 30% de physique et 70% de mental. Il n’y a pas de place au doute, on avance, il faut y aller. »  Photo Pierre Olivier Tulkens


La traversée de la Manche est une des parties les plus délicates. C’était quand même 17h44 de natation !
« C’est là que 75 % des participants échouent car, courir 140 km, on s’entraîne et on peut y arriver. Mais avec les marées, les vents… on a des chances inégales. On est déjà obligé de savoir nager à plus de 3 km/h sinon on n’arrive pas de l’autre côté à cause des changements de marées. Et puis beaucoup de gens sont malades. Souvent, ils échouent après six heures car, en plein effort physique, le cerveau privilégie le cœur et les poumons… mais pas l’estomac. Et si celui-ci fonctionne mal, que l’on devient malade, c’est fini. Or, j’ai nagé ces 17h44 sans m’arrêter. Si je touchais le bateau qui me suivait, j’étais éliminé. On me jetait à manger, je prenais la nourriture et je l’avalais le plus vite possible en stagnant quelques secondes avant de repartir. »


Comment gère-t-on ça mentalement ? 

« Le mental travaille à 600 %. Nager 15h, je sais le faire. Mais nager les 2h 44 qui suivaient, contre les marées, les courants et le vent… sans manger, sans boire et en tournant les bras pour sortir du trou. Il n’y a que le mental qui aide à ça et les encouragements de l’équipe. »

Photo Pierre Olivier Tulkens

Qu’est-ce que cette course vous appris ?

« J’ai découvert une chose en plus, surtout grâce à mon équipe, à Baudouin, un des membres de mon équipe qui n’est pas du tout coach. Il a pris cette course pour lui et il m’a motivé d’une manière incroyable, les deux dernières heures et c’est grâce à lui que je suis arrivé au bout. Sans ses bons conseils et ses engueulades, je n’aurais pas réussi. C’est sûr que si seul on va vite, ensemble, on va plus loin ! »

Saviez-vous à 10 ans, que vous feriez un jour de tels exploits physiques ?

« Non, je ne le savais pas.  Il n’y a pas d’âge pour performer. Il faut juste se mettre des objectifs atteignables et se dire : est-ce que j’ai vraiment envie d’y arriver ? A partir du moment où l’on se dit que l’on a envie d’y arriver, ça peut prendre du temps. On peut avancer de deux pas et reculer de quatre mais il faut garder son objectif en ligne de mire. Et ça doit devenir une priorité. Mais à tous les âges, ce n’est pas facile de mettre des priorités car on a d’autres envies et besoins. Mais il faut avoir le déclic. J’avais des soucis avec l’école et finalement un jour, j’ai eu le déclic et j’ai fini l’école. »

Comment êtes-vous après cette performance de l’Enduroman ?

« J’ai beaucoup de chance, car après un effort intense, je n’avais aucune crampe, aucune douleur le lendemain de la course. Il y a des vidéos où on me voit ranger mes affaires, discuter et le soir-même, on a quand même un peu fêté ça avec l’équipe, fêté sagement évidemment. Je suis arrivé à minuit quart et je suis allé dormir à 4 h du matin. Et à 9 h, je suis allé me promener dans les rues de Paris en me disant que quelques heures auparavant j’étais dans cette course. J’ai une bonne préparation et je récupère bien mais surtout j’ai commencé à faire du sport assez tard, donc je me suis économisé une partie de ma vie. Entre 20 et 40 ans, je n’ai quasiment pas fait de sport. Si j’avais joué au hockey durant 20 ans, j’aurais peut-être été cassé. Puis j’écoute fort mon corps et je fais attention à ma nutrition. Et à présent, je me donne deux mois sans sport car je sais que toutes mes articulations, mes tissus, mes ligaments sont enflammés ou abîmés. Je pourrais aller courir mais c’est comme cela que l’on se blesse. Il faut aider le corps à se reformer en se reposant. »