Est-ce qu’un livre pourrait aider les enfants ukrainiens, vivant désormais en Grande-Bretagne, à parler de la guerre? Et peut-être à le partager avec des enfants britanniques?

Anna Shevchenko est née en Ukraine. Cette femme de 58 ans vit à Londres (Grande-Bretagne) parle couramment sept langues dont le français, elle a servi d’interprète lors de nombreuses rencontres gouvernementales et a écrit deux guides culturels sur la Russie et l’Ukraine. Quand la guerre a démarré, elle s’est rendue en Roumanie depuis le Royaume-Uni, où elle vit, en tant que bénévole pour accueillir mères et enfants qui fuyaient la guerre.

Lorsque les réfugiés ont afflué à la frontière ukrainienne, un détail l’a frappée: tous les enfants portaient un petit sac à dos. C’est ainsi qu’ils pouvaient emmener ce qui restait de leur « ancienne vie ».

Lorsque les réfugiés ont afflué à la frontière ukrainienne, un détail l’a frappée: tous les enfants portaient un petit sac à dos. AFP

Dans un sac à dos, les enfants ont mis leur « vie d’avant » la guerre

De retour au Royaume-Uni, elle a eu l’idée de mettre les sacs à dos au cœur d’un programme de thérapie (de soins). En quelques semaines, elle a réuni à Londres des expatriés ukrainiens, déterminés à aider.

L’autrice Diane Redmond, connue au Royaume-Uni car elle est publié près de 200 livres, a créé une histoire inspirée de l’idée que les souvenirs des enfants tenaient dans ce sac. « Cela m’est vraiment entré dans la tête et j’ai plus ou moins écrit le livre en une nuit, dans mon sommeil », a-t-elle expliqué à l’AFP (Agence France Presse).

L’illustratrice ukrainienne Lilia Martynyuk a ensuite créé un ensemble d’images « émouvantes et puissantes » depuis la ville de Zaporijjia, sur le front (près des combats en Ukraine).

Que raconte le livre « Rucksack » (« Sac à Dos ») ?

Ce livre raconte l’histoire poignante d’un petit garçon qui perd le sien dans son immeuble bombardé qu’il doit fuir.

La prolifique Di Redmond, qui a publié près de 200 livres, fait habituellement rire les enfants plutôt que pleurer.

Dans « Rucksack » (« Sac à Dos »), elle raconte l’histoire poignante d’un petit garçon qui perd le sien dans son immeuble bombardé qu’il doit fuir. Dans un abri souterrain de Kiev, il reçoit un nouveau sac, qui ne fait qu’ajouter à sa peine et à ses larmes, car « il n’a aucun souvenir ».

Il commence ensuite à se forger de nouveaux souvenirs qui, il le sait, le ramèneront un jour dans sa nouvelle maison en Ukraine.

Quels sont les effets de ce livre?

Selon Dennis Ougrin, psychiatre d’origine ukrainienne à Londres. »Le livre permet à l’enfant et ceux qui s’occupent de lui de commencer à parler de ce qui s’est passé, souvent quelque chose d’indicible (inexprimable). »

Ce médecin et son équipe ont emmené le livre dans les écoles, pour l’utiliser aux côtés d’un programme conçu par l’association Children and War UK, qui aide les enfants à se remettre d’un traumatisme.

Les réactions l’ont frappé. Le livre a fait pleurer les parents, tandis que les enfants le dévoraient, en tournant les pages « très, très lentement ».

« C’est quelque chose que tu as connu ? »

De nombreux parents ont peur de parler de la guerre à leurs enfants, craignant que cela leur fasse du mal. Mais la réaction des enfants face au livre leur montre que ce n’est pas le cas. Dans les écoles britanniques qui accueillent des réfugiés ukrainiens, Anna Shevchenko raconte qu’elle a pu voir, des petits Britanniques se tourner vers leurs camarades ukrainiens pour leur demander: « C’est quelque chose que tu as connu ? »

« Cela faisait vraiment chaud au coeur de voir ces enfants anglais prendre dans leurs bras les Ukrainiens », raconte-t-elle. « Auparavant les enfants étaient un peu mal à l’aise pour en parler et c’était la même chose avec les enfants… ils étaient inquiets d’aborder un sujet presque tabou ».

Selon certaines écoles, les enfants ukrainiens ne se sont pas sentis les bienvenus, faute de conscience de leurs camarades de leur expérience de la guerre.

Mais une fois qu’ils ont lu le livre, explique Anna Shevchenko, « on a vu des enfants se tenir la main et les emmener à la bibliothèque pour le lire et en discuter avec les enfants ukrainiens ».