Sophie Verheyden, votre métier, c’est d’étudier l’histoire du climat de la Terre. Comment fait-on pour connaître le climat du passé lointain ?

L’histoire est enregistrée dans des archives, mais ce ne sont pas des papiers. Ce sont des archives terrestres. Ce sont soit des glaces, aux pôles. Là, on a un énorme paquet de glace qui fond rarement. En extrayant des carottes de glace, on peut voir les différentes couches et on peut retourner en arrière sur 20 000 ans. Dans les bulles d’air emprisonnées, on peut mesurer, par exemple, les atomes d’hydrogène, d’oxygène… Et on peut en savoir plus sur les températures.

On peut aussi trouver des archives dans les sédiments au fond des océans. Ces sédiments emprisonnent des informations : des fossiles qui s’adaptent à la température et la composition de l’eau, on peut extraire des renseignements liées au climat.

Une autre archive, ce sont les stalagmites dans les grottes. On va là extraire les informations sur le climat dans les continents.

Il y a aussi les sédiments lacustres (au fond des lacs), les coraux, les tourbières. Là, on peut analyser les éléments chimiques, l’oxygène, le carbone mais aussi les pollens… Et comme tous ces éléments changent avec la température, la quantité d’eau…, ça nous informe également sur le climat passé.

Dans les cernes d’arbres, dans les vieilles charpentes (constructions qui supportent le toit) en bois, on peut remonter jusqu’au moyen âge. Ça, c’est pour retrouver le climat plus récent, mais aussi avoir une vision des saisons.

Ce qui est important, évidemment, c’est de dater ces archives. C’est toute la difficulté. Certaines archives sont faciles à dater, comme les stalagmites qu’on peut facilement dater jusqu’il y a 600 000 ans.

Grâce à ces informations, sait-on si la Terre a connu des climats différents, chauds et froids ?

Oui. Nous sommes dans une période chaude depuis 10 000 ans. Avant ça, on avait une période froide. L’homme moderne est arrivé dans nos régions il y a 40 000 ans, donc en plein dans la période glaciaire. Avant ça, on a eu une autre période interglaciaire, plus chaude. Et avant, une autre période glaciaire.

Est-ce que des changements climatiques passés ont fait disparaître des espèces ? Qu’est-ce qui différencie les changements passés de ce qui se passe actuellement ?

Il y a eu des changements climatiques rapides au cours desquels des écosystèmes (systèmes qui relient les organismes vivants) ont disparu, oui.

Dans un contexte naturel de changement climatique, les espèces arrivent à migrer. Ici, la particularité, c’est que les humains sont nombreux et occupent presque tout l’espace. Ils bloquent et limitent les possibilités de déplacements.

Et puis, les changements vont beaucoup plus vite que les changements naturels passés dans les périodes chaudes. Normalement, les périodes chaudes sont plus stables.

De plus, ici, on change l’équilibre du taux de CO2, qui régule le climat. On déséquilibre une stabilité de plus d’un million d’années.

La Terre a-t-elle déjà connu des températures moyennes aussi élevées ?

La Terre a même connu des températures moyennes plus élevées qu’aujourd’hui, il y a des millions d’années ! À l’époque, il y avait peut-être des dinosaures, mais pas d’humains.

En fait, ici, le but n’est pas de sauver la planète. La Terre en a connu d’autres, elle ne va pas disparaître. Ce qu’il s’agit de sauver, ce sont les humains et les écosystèmes.

Dit comme ça, c’est effrayant mais il faut garder espoir. Il y a des solutions. Il faut se focaliser sur les solutions, pas sur les problèmes!