Quatorze jeunes ont été choisis, des quatre coins de France, pour partir en expédition en Islande sur un camp autogéré afin de conduire trois explorations scientifiques : la première en glaciologie, la deuxième en océanographie et la troisième en biologie marine.

Sur place, ce sont les jeunes qui ont conduit les missions au moyen de matériels spécifiques, notamment une station météo et un hydrophone (microphone destiné à être utilisé sous l’eau). Ils effectuaient des relevés transmis à une plateforme numérique, accessible à des élèves et enseignants de France.

Chaque exploration a duré entre 2 à 3 jours en autonomie complète. Chaque équipe scientifique était composée de 5 jeunes chercheurs et de 2 adultes référents.

C’est une association qui s’appelle « L’École face au plus grand défi du 21e siècle », en France, qui a proposé à des scientifiques, des explorateurs, des chercheurs et des enseignants de bâtir un programme pédagogique innovant sur le sujet. Son nom ? Cap au Nord. Celui-ci est soutenu par des personnalités comme le réalisateur Yann Arthus Bertrand. 

En pratique, ces experts ont rendu accessibles leurs connaissances aux enfants, les partageant notamment par des vidéos, des conférences, des rencontres… Une dizaine d’écoles ont suivi le mouvement.

Lou et Élias sont partis en Islande. L’une avec une mission de biologiste marine et l’autre avec une mission de glaciologue. Les deux jeunes sont impressionnés et convaincus qu’il y a une action à mener. Tout est à faire et possible.

« J’apprends désormais beaucoup mieux »

Élias, 13 ans, a vécu l’expédition en Islande, en juillet dernier. « On est allés sur les îles Vestmann (un petit archipel dans la côte sud d’Islande). Puis jusqu’au glacier, le Sólheimajökul. Et on voyait qu’il fondait car il y avait un goutte-à-goutte au pied. On a pu relever sa température et on s’est rendu compte qu’elle était légèrement supérieure à zéro degré. Dans l’expédition, ceux qui s’occupaient de biologie marine ont mesuré la profondeur du lac glaciaire à cet endroit. C’est une première dans l’histoire, ce calcul n’avait jamais été fait ! »

Pour Élias, 13 ans, cette expédition a été marquante

« Avant l’Islande, je stressais à l’école et je ne réussissais pas beaucoup. À présent, ça change. Avoir vécu cette expédition avec des jeunes qui ont de bonnes notes, ça m’a fait comprendre que je peux faire pareil. Et puis si j’ai été retenu pour cette expédition, c’est que je peux m’adapter à des conditions de froid, je suis sportif et j’aime bien aider les autres. Plus tard, je veux faire quelque chose qui concerne l’écologie. Depuis mon expédition, mes copains à l’école sont aussi devenus plus sensibles à l’écologie. On ne veut plus qu’on abîme la nature, avec les déchets notamment. Mais je suis confiant, je pense qu’on va trouver des solutions. Si chacun donne du sien, on peut réussir. Nous sommes devenus des ambassadeurs, on transmet aux plus jeunes ce qu’on a vécu. »

En Islande, les jeunes explorateurs et leurs accompagnants étaient installés en pleine nature. L’eau était tirée des rivières glaciaires, les repas préparés ensemble, les déplacements à pied… Tous les 2 jours, un groupe d’ambassadeurs partait pour des missions spécifiques. 
Les données récoltées seront transmises à des chercheurs.

Pour Lou, il faut miser sur les enfants, car les adultes ont parfois du mal à réaliser les choses

Lou, 13 ans, partait pour la seconde fois en Islande (Cap au Nord partait pour la 2e  fois en Islande).

«  Cette fois, j’étais biologiste marine. On a eu l’extrême chance de pouvoir écouter les chants de bélugas avec un hydrophone pendant 30 minutes (Note de la rédaction : l’hydrophone permet d’entendre des fréquences plus élevées que celles perceptibles par l’oreille humaine). Parmi les enfants qui ont réalisé la biologie marine, trois sur quatre veulent désormais en faire leur métier. On a entendu des chants différents de bélugas. Mais malheureusement, on a entendu beaucoup de bruits de bateaux. On a réalisé aussi que les animaux entendent ces bruits des moteurs. Cela prend beaucoup de place dans leur espace de vie. Cela résonne fort, beaucoup plus que ce que l’on imagine en surface. On était à certains moments obligés d’enlever le casque ! »

Quand on est en expédition, on doit tout gérer : la tente, les repas, le matériel. Qu’as-tu appris de cela ?

«  On avait beaucoup de choses à faire au niveau de la logistique : pour monter le camp et se préparer pour nos missions. Du coup, pour les repas, il y avait deux adultes qui se chargeaient de la préparation des repas et on les aidait à certains moments. Bien sûr, on faisait la vaisselle. Mais une expédition, ça nous apprend beaucoup car on doit gérer nos affaires. Il faut vraiment penser à tout. Si on ne pense pas à faire sécher un vêtement pour le lendemain, ça ne sent pas bon et puis on est dans une tente, on doit veiller à ce que nos autres affaires ne soient pas mouillées. Cela demande toute une organisation. La température était de 10-15 degrés mais il y avait beaucoup d’humidité, il pleuvait tout le temps.»

Tu as eu la mission, au retour, d’expliquer ce que tu avais vu et compris. Comment ça s’est passé ?

« On a tous cette mission pour sensibiliser d’autres personnes aux changements climatiques. On sait que cela va toucher des enfants ce genre de projets et ensuite que des familles vont faire plus attention à ce qu’elles font pour l’environnement. Il n’y a pas que les adultes qui ont besoin de comprendre.

Nous les enfants, on a toute une vie. Si on comprend maintenant le réchauffement climatique, nous ferons de meilleurs choix politiques ou des choix de vie. Expliquer à des adultes, c’est bien mais quand il faudra agir, ils ne seront plus trop concernés. Ils ont déjà vécu beaucoup de leur vie. En parlant aux enfants, on sait qu’ils vont sensibiliser leurs parents et ils vont amener un angle nouveau sur les choses. Les adultes ont parfois du mal à voir. Les enfants sont plus réactifs et ils ont encore toute une vie pour faire de bons choix. Ils voteront pour un président plus écolo. »

« Si on apprend aux enfants à bien comprendre le réchauffement, ils agiront mieux que les adultes » explique Lou, 13 ans.

Etre éco-déléguée, ça m’intéresse dans mon école !

« J’ai présenté le projet de Cap au Nord dans mon école et j’ai été élue éco-déléguée. J’ai fait ça durant deux ans. Je peux donner des idées, aider à organiser un ramassage de déchets, créer des affiches… Dans beaucoup de collègues, en France, il y a des éco-délégués. Je trouve que c’est plus simple de réaliser quelque chose avec les élèves qu’avec les enseignants et l’école, même s’il y a quelques enseignants qui nous aident. »

On a vu des points de vue différents, c’est la richesse de l’expédition !

«On était tous sensibilisés à l’écologie car on avait tous participé aux week-ends d’intégration (préparatoires) mais on avait tous des points de vue différents. L’expédition nous a donné une nouvelle vision. En biologie marine, on est allés sur un bateau avec des touristes pour observer des orques. Puis plus tard, quand on a pris les kayaks pour écouter les bruits dans l’eau, on s’est rendu compte que c’était le même bateau qui mettait de la musique et faisait du bruit… On était un peu culpabilisés d’avoir fait cela, même si on se disait qu’on ne l’avait fait qu’une seule fois. Je pense que c’était le genre de situations qui a été vécue aussi par les autres équipes de l’expédition. On a tous une faille dans la vie, certains prennent trop la voiture par exemple et se disent que ce n’est pas si grave que cela. »

«Les médias et l’école devraient parler d’une urgence: le réchauffement climatique»

«Il y a beaucoup d’enfants qui sont pris sous l’aile de leurs parents qui leur disent que le réchauffement climatique, ce n’est pas vrai. Former les enfants aux questions du réchauffement climatique, ça les rend conscients et ça devrait aussi se faire à l’école. Il faudrait que les matières l’enseignent car quand on n’a pas des parents ou des amis qui nous expliquent le réchauffement, il faut bien que l’école le fasse. Et les médias aussi. Au moment du décès de la reine d’Angleterre, les journaux télévisés ne parlaient que de ça pendant deux jours. C’était un grand événement car elle était très vieille, mais le réchauffement climatique, on n’en parle même pas alors que c’est plus important, à mes yeux. Je trouve que ce n’est pas assez communiqué. Si c’était le cas, des personnes ordinaires, comme les enseignants, le comprendraient et l’expliqueraient aux enfants.»