Le 15 août 2021, la panique s’empare d’une grande partie des Afghans. Les talibans viennent de prendre le pouvoir par la force et sont à la tête du pays.

Immédiatement, des milliers de gens décident de fuir à l’étranger. Lis les récits d’Omid et Fais, que nous avions interviewés alors. Ils expliquent bien que tout de suite, les Afghans se sentent ou se savent menacés ou ne veulent pas ou plus vivre dans un régime taliban. Ils ont déjà connu cela de 1996 à 2001. Les « étudiants en religion » (c’est la traduction du mot taliban) avaient alors fait régner la terreur et imposé des règles terriblement sévères.

Regarde la vidéo Dessine-moi une actu réalisée en octobre 2021:

La situation, un an plus tard

Un an plus tard, le pays est dans un état catastrophique. Comme partout, il y a les augmentations des prix de la nourriture et de l’énergie. Il y a aussi eu le covid et ses effets. Et une sécheresse record, des inondations et un tremblement de terre.

Enfin, la situation économique est en-dessous de tout. En un an, on estime que 700 000 à 900 000 personnes, en majorité des femmes, ont perdu leur travail. Environ 23 millions d’Afghans, sur une population de 39 millions, souffrent de la faim. Et les sanctions économiques internationales contre les talibans n’arrangent évidemment pas les choses…

Pour aider la population sans soutenir le pouvoir, les Etats tentent de passer par les ONG (organisations non gouvernementales). Ce n’est pas facile à organiser et à contrôler mais il est important pour de nombreux Etats de montrer leur désapprobation et de faire pression sur les talibans. Car ce régime (mode de gouvernance, de direction d’un pays) ne respecte pas les droits humains, surtout pour les femmes et les filles.

Les droits humains bafoués

Depuis un an, les talibans s’en prennent à ceux qui les dérangent ou les choquent par leurs paroles, leurs actes ou leur mode de vie. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et des manifestants, par exemple, sont arrêtés et emprisonnés sans jugement, sans pouvoir défendre leurs droits avec un avocat et un procès juste, équitable. On sait aussi que des gens « disparaissent » (emprisonnés secrètement ou tués sans laisser de traces) ou sont exécutés sans pitié. Enfin, les droits des femmes et des filles sont réduits à néant.

Ce 13 août, des Afghanes ont osé manifester à Kaboul, la capitale, pour revendiquer leurs droits. Les militaires ont tiré avec leurs armes pour disperser la manifestation. (AFP/ W. Kohsar)

« Les femmes feraient mieux de rester à la maison »

En août 2021, les talibans avaient promis de respecter les droits des filles et des femmes. Mais il n’en est rien.

Lorsqu’elles sont dans l’espace public, hors de chez elles, les femmes et les jeunes filles doivent se couvrir le corps entièrement – pieds, mains, visage compris- pour « éviter de provoquer les hommes  » et de leur donner des « mauvaises pensées ». Elles portent donc une burqa, grand tissu qui les transforme en fantômes avec un grillage devant le visage.

Les femmes et les jeunes filles ne peuvent pas non plus sortir de chez elles si ce n’est pas absolument nécessaire et justifiable. « Elles feraient mieux de rester à la maison », disent les talibans. Et si elles s’éloignent de chez elles, elles doivent être accompagnées de leur mari, de leur père ou d’un frère. Si elles n’ont ni mari ni père ni frère, elles sont donc condamnées à rester à la maison… ou elles risquent d’être arrêtées et emprisonnées pour mauvais comportement « moral ».

Les écoles secondaires n’accueillent plus que des garçons. Les filles peuvent juste aller en primaire. Elles peuvent aussi aller à l’université, mais dans des conditions très dures: filles et garçons n’ont plus cours ensemble et beaucoup de filles sont harcelées, mises sous pression ou menacées sur le chemin de l’université. Certaines étudiantes finissent par cesser de fréquenter les cours, découragées. Elles sont donc de moins en moins nombreuses. Et comme les filles ne peuvent plus aller à l’école en secondaire, il n’y aura plus de filles diplômées en mesure de s’inscrire dans des études supérieures…

Les femmes ne peuvent plus, non plus, passer leur permis de conduire. Et la plupart des postes de travail publics (fonctionnaires, qui travaillent pour l’administration du pays, d’une province, d’une ville…) sont devenus interdits aux femmes. Dans le monde professionnel, il faut maintenant faire travailler séparément les hommes et les femmes, sauf exception. Là où ce n’est pas possible, les femmes ont été renvoyées et remplacées par des hommes.

Enfin, ces douze derniers mois, beaucoup de femmes et de filles ont été emprisonnées et torturées. On les a fait souffrir physiquement et mentalement, par exemple en montrant des photos de leur famille et en menaçant d’aller tuer tout le monde.

Mariées à 10 ans

Enfin, selon Amnesty International (une organisation qui défend les droits humains dans le monde), le nombre de mariages forcés et de mariages précoces grimpe en flèche. De plus en plus de filles doivent se marier avant 18 ans. A 10 ans, 12 ans, 13 ou 15 ans… avec un homme beaucoup plus vieux, qu’elles ne choisissent évidemment pas.

Comment expliquer cela? Une famille qui marie sa fille reçoit de l’argent de la famille du mari. On appelle ça une dot. De plus, la fille part vivre avec son mari. Cela fait donc une bouche de moins à nourrir pour la famille de la fille. Comme la vie est très difficile, c’est tentant… et certains parents pensent même qu’ils n’ont pas le choix. Surtout que comme les filles ne peuvent plus aller à l’école et ont peu de chances de pouvoir travailler plus tard, elles ne « rapporteront pas d’argent » pour aider à faire vivre leur famille. Il y a aussi des talibans qui obligent certaines filles très jeunes à les épouser. Des familles décident elles-mêmes de marier leur fille à un taliban, en espérant avoir des faveurs ou être protégées. D’autres familles, au contraire, vont marier leur fille très tôt pour éviter qu’un taliban la choisisse comme épouse. Toutes ces raisons expliquent que des filles doivent se marier très jeunes.

Bref, en un an, la vie a totalement basculé pour les Afghans. Ceux qui ont des idées religieuses très strictes sont satisfaits du retour des talibans. Mais beaucoup de gens souffrent.