Certains lecteurs du JDE nous ont posé des questions précises. Pour y répondre, nous avons appelé Yannick Quéau , directeur du GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité).

+ Guerre en Ukraine: que se passera-t-il quand viendra la paix?

Quand la guerre en Ukraine va-t-elle s’arrêter ?

Personne n’en sait rien, même si on voit des petites évolutions lors des rencontres entre Russes et Ukrainiens. Mais tant qu’un des acteurs (la Russie ou l’Ukraine) pense qu’il peut obtenir plus en améliorant sa position militaire sur le terrain, il n’y a pas d’accord possible.

On ne peut pas dire que l’armée russe va bientôt perdre et s’en aller ? C’est trop simpliste ? Et on suppose que Poutine ne veut pas perdre la face…

On parle de l’usure des forces russes mais on ne connaît pas vraiment l’état des forces ukrainiennes. À ce stade, Vladimir Poutine doit rétablir la crédibilité de son armée et « justifier » sa décision d’employer la force. Il faut donc craindre une intensification des combats dans l’est de l’Ukraine, notamment.

Est-ce que la Russie va envahir d’autres pays après l’Ukraine ?

Cette question revient souvent. On ne sait pas, mais les difficultés que Poutine rencontre sur le terrain en Ukraine vont le faire réfléchir avant de s’aventurer ailleurs.

La Russie est en position de faiblesse par rapport à l’OTAN. On aurait pu craindre pour d’autres pays, hors de l’OTAN, mais vu les difficultés de l’armée russe en Ukraine, je ne pense pas qu’il ira plus loin.

Est-ce que les soldats russes sont pour cette guerre ? Ils ont le choix de se battre ?

C’est difficile de se faire une idée de ce que pensent les soldats russes. On ne sait pas ce qu’ils ont reçu comme information. Maintenant, le militaire n’a pas le choix, il doit appliquer la décision du pouvoir, obéir, et ce dans toutes les armées. En principe, un militaire reste responsable de ses actes devant le droit international. Au départ, la plupart des militaires n’ont aucune envie de commettre des crimes de guerre ou de cibler des civils. Mais les pertes rencontrées, la diabolisation de l’ennemi, le manque de discipline des soldats, le fait qu’il soit parfois difficile de distinguer civils et combattants, les frustrations et un sentiment d’impunité (de ne pas être puni) sur le front… Tout cela favorise les crimes de guerre. Dans la pratique, un soldat peut privilégier sa survie et la protection de ses hommes et se résoudre à détruire un building. Le désir d’obtenir des gains sur le terrain sans trop exposer ses soldats passe régulièrement devant la protection des civils et se traduit par des crimes.

Est-ce que d’autres pays vont attaquer la Russie ?

Je ne pense pas. Les pays de l’OTAN ont fait attention à éviter un élargissement du conflit à d’autres pays et une escalade qui poserait un risque nucléaire supplémentaire.

Est-ce que le risque est réel que Poutine utilise une bombe atomique (nucléaire) ou d’autres armes très destructrices ?

Le risque nucléaire existe, mais tout le monde en a conscience et fait en sorte que cela n’arrive pas. Pour les armes chimiques, on pense que certaines ont pu être utilisées par la Russie, comme les bombes au phosphore, mais on n’en a pas encore de preuve. Si c’est le cas, ça pourrait entraîner d’autres sanctions.

Est-ce qu’on va avoir une troisième guerre mondiale ?

Non. Il est hors de question de laisser dégénérer la situation et beaucoup d’efforts sont faits pour limiter le conflit à l’Ukraine. C’est pour cela qu’on n’offre pas d’avions à l’Ukraine, par exemple. Ou qu’on n’envoie pas de troupes sur place. On prend des précautions pour éviter que des troupes de l’OTAN se retrouvent à tirer sur des troupes russes et inversement.