Nous l’appellerons Faiz, parce qu’il préfère ne pas être reconnu, pour ne pas mettre sa famille en danger. Cet Afghan vit en Belgique depuis 2016. À l’époque, il avait fui son pays car il était menacé par les talibans, qui contrôlaient sa région. Les talibans lui reprochaient notamment de travailler pour une organisation humanitaire (d’aide aux gens) européenne. Aujourd’hui que les talibans ont repris le pouvoir sur tout le territoire afghan, il s’inquiète pour sa famille restée sur place.

Les talibans disent qu’ils ont changé depuis l’époque où ils dirigeaient le pays, de 1996 à 2001… « Je ne les crois pas, répond Faiz. Dans certaines provinces, ils ont toujours été là. Ils prenaient des territoires, en perdaient, en reprenaient…. Et quand ils contrôlaient une zone, on ne pouvait pas regarder la TV, écouter la radio. On ne pouvait pas s’habiller comme on voulait. Par exemple, on ne pouvait pas porter de jeans et de tee-shirt. On devait porter les tenues traditionnelles.» Les femmes ne pouvaient pas sortir sans leur mari ou leur frère, et elles devaient cacher tout leur corps et leur visage. Les filles ne pouvaient pas aller à l’école. Toute distraction était interdite, y compris la musique… et les cerfs-volants!

La vie au ralenti et dans la peur

Et aujourd’hui, que vivent ses frères et sœurs, à Kaboul? Et leurs enfants? «Les écoles sont fermées depuis l’arrivée des talibans, donc mes neveux et nièces ne vont plus en classe. Les gens ne sortent de chez eux que pour des besoins essentiels. Ma sœur Djamila n’ose plus aller faire les courses. Mais son mari est décédé, donc c’est son fils qui va au magasin. Hier, une femme qui allait à la pharmacie a été interrogée parce qu’elle n’était pas avec son mari ou son frèreCette femme était seule en rue, ça n’allait pas aux yeux de talibans.

Faire les courses devient difficile et l’économie ralentit: « Les prix augmentent parce que la monnaie afghane a perdu de la valeur. Et puis, les frontières sont fermées, donc les produits alimentaires n’entrent plus dans le pays; il y a des aliments qui manquent. Les gens sortent moins, donc ils achètent moins. Et les fonctionnaires, qui travaillent pour l’État, ne sont plus payés parce qu’il n’y a plus de gouvernement officiel. Mon frère et un de mes beaux-frères travaillent dans le commerce. Pour eux, les affaires sont fort ralenties, le travail est à l’arrêt ou presque. Et donc, il n’y a plus de revenus, plus d’argent qui entre pour la famille...» Pour couronner le tout, il y a de nombreuses coupures d’électricité.

De quoi la famille de Faiz a-t-elle peur? «C’est plus que de la peur. Mes frères et sœurs sont terrorisés, effrayés, par rapport à tout. Ils se demandent: qu’est-ce qui va se passer? Une nouvelle guerre? Les talibans vont tout interdire comme avant? Est-ce qu’il y aura encore du travail? Assez de produits alimentaires? »

Heureusement, Faiz a appris une bonne nouvelle. Sa sœur Benasha, enceinte de trois mois, a pu fuir le pays avec son mari, qui était interprète (il traduisait) pour l’armée américaine. Il faut savoir que tous les Afghans qui ont travaillé avec les étrangers sont menacés par les talibans. «Benasha et son mari sont partis sans rien, raconte Faiz. Ils avaient juste leurs papiers officiels, et les documents du travail. Ils ont dormi trois nuits à l’aéroport de Kaboul mais,heureusement, ils ont pu monter dans un avion tout juste à temps.» Les États-Unis ont promis de les accueillir comme réfugiés. En attendant, Benasha et son mari sont au Qatar.

Les infirmières et les femmes médecins n’osent plus aller travailler

Omid est lui aussi réfugié chez nous. Il y a un an et demi, dès qu’il a su qu’il pouvait vivre ici, il a demandé à la Belgique de pouvoir faire venir sa femme et ses deux fils. Malheureusement, c’est long… et ils sont toujours en Afghanistan.

«Mes fils ont maintenant 7 ans et bientôt 6 ans. Ils vivent avec ma femme, ma maman, mon frère et sa famille. Ils ont quitté le village, parce qu’il y avait trop de problèmes. Ils sont allés à Kaboul.» Dans la capitale de l’Afghanistan, la situation est tendue. « Il y a des talibans partout, explique Omid. Les écoles sont fermées. Mon fils aîné m’a demandé quand il allait pouvoir retourner à l’école et le plus petit m’a dit qu’il avait peur des talibans. Beaucoup de magasins sont fermés, les transports ne fonctionnent pas. Tout le monde reste chez soi, tout le monde a peur.»

En tant que docteur, Omid a des contacts avec des amis qui travaillent dans la santé. «Beaucoup d’amies infirmières et de femmes médecins ne vont plus travailler parce qu’elles ont peur de se faire arrêter. Dans les hôpitaux, ça pose problème, il n’y a plus assez de personnel médical. Je suis très triste. Tout le monde est triste et a peur