Le 19 juin, une tornade s’est abattue sur le centre de Beauraing (province de Namur) où elle a provoqué de gros dégâts matériels sur une centaine de bâtiments. Le 27 juin, c’est à Houffalize (province de Luxembourg) qu’une ferme a été violemment détruite par le même phénomène. Que s’est-il passé? Nous avons posé la question à Pascal Mormal, météorologue à l’Institut royal de météorologie (IRM).

L’IRM est un institut scientifique fédéral. Il prévoit et annonce la météo, prévient des dangers et effectue des recherches scientifiques sur la météorologie et le climat.

Monsieur Mormal, comment se forme une tornade?

Il faut de l’humidité, de l’instabilité et un contraste de températures. Ce qu’offre un orage. Pendant un orage, il y a un contraste entre des températures élevées au niveau du sol et de l’air plus froid en altitude. Ce contraste entraîne une instabilité de la masse d’air. Pour qu’une tornade se forme, il faut un orage puissant qui a une certaine durée de vie. C’est ce qu’on appelle un orage supercellulaire.

Que se passe-t-il, alors?

L’air chaud monte en permanence et, en altitude, il rencontre l’air plus froid, mais ils ne se mélangent pas. On retrouve alors des vents de direction et de force différentes à différentes altitudes. Et cela favorise les effets tourbillonnaires. Il se peut qu’à un moment une colonne de vapeur d’eau se forme, un tuba, qui part de la base du nuage et qui touche le sol. On parle alors d’une tornade. On a une rotation très accélérée du vent autour d’un axe. Et cela peut provoquer des dégâts très importants en fonction de l’intensité du phénomène.

Comment classe-t-on les tornades?

Justement, en fonction de l’importance des dégâts provoqués. En fait, c’est grâce aux dégâts qu’on remarque sur la structure des bâtiments, qu’on peut estimer la vitesse des vents. Il faut savoir que les tornades sont très localisées. Il faudrait beaucoup de chances pour qu’une tornade se produise pile à un endroit où se trouve un anémomètre (appareil qui mesure la vitesse réelle du vent).

Quelle est donc l’échelle de mesure pour les tornades?

L’échelle de Fugita, voire l’échelle de Fugita améliorée, qui est un peu plus précise. Elle va de 0 à 5. Des tuiles arrachées, c’est une tornade EF0. Pour la tornade de Beauraing, on parle d’une tornade EF2, avec des toitures arrachées et des rafales de vent entre 179 et 218 km/h. Les tornades les plus violentes, que l’on rencontre aux États-Unis, sont généralement de niveaux EF4 ou EF5, avec des vents qui dépassent 322 km/h.

Quelles sont les particularités des dégâts dus à une tornade?

Il y a l’effet de rotation des vents, qui, par exemple, tord les arbres. Aussi, la tornade se déplace en ligne droite, selon un couloir. Elle aspire tout ce qui se trouve sur son passage. En quelques secondes, tout peut être pulvérisé. Mais si l’on se trouve un peu à côté du couloir, on est peu touché. Une fois la tornade passée, tout s’arrête d’un coup. C’est un moment d’horreur absolu et après, tout redevient calme.

Peut-on prévoir une tornade?

Non, c’est impossible. On peut prévoir les situations favorables à des orages supercellulaires qui peuvent donner lieu à des tornades, mais c’est tout. En plus, le phénomène ne dure que quelques secondes à quelques minutes. Donc quand le tuba touche le sol et que la tornade est déclarée, il est impossible de déployer un moyen d’alerte pour prévenir la population locale.

Mais l’IRM envoie tout de même des alertes?

Oui, on peut prévoir les orages et aussi, envoyer des alertes pour prévenir des dangers potentiels qui peuvent être provoqués par ces orages. Les alertes sont consultables sur le site de l’IRM et elles sont généralement relayées dans les médias. Par exemple, une alerte orage orange indique la venue «d’orages violents et répandus avec des pluies intenses, de la grêle, de violentes rafales de vent, ou des impacts de foudre, pouvant conduire à des problèmes ou des dégâts répandus». Mais tout ceci reste de l’ordre de la prévision. On n’est jamais sûr et certain de ce qui va se passer.

Quels sont les bons comportements à adopter en cas d’orage violent?

Éviter les déplacements, l’extérieur de manière générale, ne pas rester sous une tonnelle par exemple, ne jamais rester près d’un arbre ou un poteau isolé, ne pas se baigner. Lorsque l’on sent que les vents deviennent plus forts, on évite de rester près des fenêtres, parce que les vitres risquent de voler en éclats. On évite de se réfugier au grenier. L’endroit le plus sûr de la maison, c’est l’endroit le plus au centre, ou la cave.

Y a-t-il plus de tornades qu’auparavant?

En Belgique, officiellement, on dit qu’il y a 3 à 5 tornades par an. Mais je pense que ce chiffre est largement sous-estimé. Il suffit que la tornade se produise dans un lieu inhabité pour que personne ne s’en rende compte. Donc je pense qu’il y en a plus que ce qu’on croit. Mais y en a-t-il pour autant plus qu’avant? Aujourd’hui, on ne peut pas dire ça. Elles sont probablement mieux identifiées et mieux répertoriées (grâce, par exemple, aux images filmées par les téléphones, qui permettent de vérifier les phénomènes). Mais on ne peut pas affirmer qu’elles sont plus nombreuses. Il faudra réévaluer la situation dans plusieurs années.