Connaissez-vous le mot «ostracisme»? L’ostracisme consiste à exclure une personne d’un groupe, de la société. C’est ce qui arrive à Cosmo. Il ne va pas pouvoir rester dans son école car il n’a aucun don, il est absolument normal.

À la puberté, le corps se transforme. Mais chez Cosmo, rien ne se passe. Tous les autres élèves ont au minimum un pouvoir qui se révèle à l’adolescence: une vue laser, la force de soulever un bus avec un seul pouce, de lancer du feu… Cosmo, lui, découvre qu’il est… sympa et ça, c’est impossible à valoriser. Il est confié au Centre «Nouvel horizon»…

«L’idée de départ, c’est l’idée du garçon du fond de la classe, explique Kid Toussaint, le scénariste. J’avais envie de lui dire: ‘T’es pas fort en sport, t’es pas extraordinaire dans tes notes non plus. Tu crois peut-être que tu ne vaux rien mais tu vaux quelque chose.’ Tout scénariste écrit sur son époque ou ce qu’il connaît. On peut le placer dans un monde d’heroïc fantasy, futuriste ou autre, ça ne change rien.»

Ce garçon, c’est vous?

«Peut-être. C’est aussi tous les lecteurs que je rencontre. Quand je les écoute, ils parlent souvent de se comparer aux autres. Habituellement, quand on crée ce genre de récit en BD ou ailleurs, on présente un vilain petit canard. Mais il y a toujours un moment où l’on découvre qu’il a une force que l’on ne soupçonnait pas. Je n’ai pas voulu cela cette fois-ci.

C’est trop facile de dire à un enfant qui peine: ‘Tu trouveras ta discipline à un moment donné’. Ce n’est pas obligatoire d’avoir un domaine dans lequel on est très fort. On peut être moyen en tout, ce n’est pas grave. On ne devient pas ami avec quelqu’un parce qu’il est fort dans une matière. On devient copain car on trouve l’autre sympa.»

Dans cette histoire, pourquoi les adultes ne regardent-ils pas les jeunes?

«On est dans un monde de surinformation. On a plein de manuels pour éduquer les enfants et au lieu de les écouter, on applique ce que l’on dit qu’il faut faire. On voit bien que la maman de Cosmo cherche le meilleur pour lui mais, à aucun moment, elle ne lui pose la question. Pareil pour le directeur qui dit: ‘Il faut le réorienter, ce garçon’ mais il n’interroge pas Cosmo. Même la sœur de Cosmo ne le calcule pas, elle ne fait pas attention à lui.»

On dit à Cosmo qu’il doit avoir un nouvel horizon mais ce n’est qu’illusion (une apparence trompeuse). Dans cet univers, il y a de la pression et de la peur, non?

«Oui, ça parle de cette espèce de pression que l’on met éternellement sur les jeunes. On parle souvent d’écologie mais c’est aussi une pression qu’on leur met sans arrêt en leur disant: ‘Vous ferez mieux que nous!’ Ce n’est pas juste. Ils devraient donc à nouveau performer là aussi?»

Les adultes vont jusqu’à dire à Cosmo que même si son talent se développe, et qu’il travaille dur, ce ne sera pas suffisant. C’est désespérant, ça, non?

«On a parfois un prof qui ne voit rien en nous. J’ai fait des études de journalisme alors que mon professeur de français m’avait découragé de le faire. Il m’avait dit: ‘Tu ne te dirigerais pas vers les maths?’ Or, j’étais très nul en maths! Je m’étais dit: ‘Pff, ça veut dire qu’il ne voit rien en moi, pas d’avenir!’ C’est vraiment la question de l’élève du fond de la classe.»

Cette BD est colorée, pleine d’idées amusantes car les personnages ont des dons et des allures originaux.

«Le public des enfants est exigeant. Il lit et relit chaque détail d’un album donc je peux dire beaucoup plus de choses que pour les albums destinés aux adultes. Je sais que les enfants font attention. Par contre, je dois veiller à ce que cela soit amusant et qu’il y ait de la diversité pour qu’ils puissent se reconnaître dans les personnages. Il faut donc de la nouveauté, des trouvailles visuelles, mais ça n’empêche pas d’avoir un propos dur s’il le faut car je sais qu’ils le comprendront. »

Au final, cet album délivre un beau message de tolérance (acceptation de l’autre comme il est).