Les garçons sont-ils plus aptes à (capables de) suivre des études scientifiques? Et les filles, des études littéraires? Existe-t-il des différences, en termes d’intelligence, entre les uns et les autres? Jacques Grégoire, un chercheur de l’UCLouvain, s’est penché sur la question.

Mais d’abord, qu’entend-on par intelligence?

«L’intelligence regroupe les capacités mentales qui nous permettent de nous adapter à notre environnement, qui nous permettent de résoudre des problèmes, explique le chercheur. L’intelligence, ce n’est pas quelque chose qui existe tout seul. Ce n’est pas tout d’avoir des aptitudes, des capacités, il faut réussir à les faire travailler ensemble. On a beau avoir les meilleurs musiciens du monde, s’ils ne s’accordent pas pour jouer ensemble, le résultat ne sera pas harmonieux.»

Comment mesure-t-on l’intelligence?

Avez-vous déjà entendu parler du QI, le quotient intellectuel? C’est une mesure de l’intelligence. «Il faut bien garder en tête que le QI est une unité de comparaison. On cherche à voir où l’on se situe par rapport à une référence, une norme, qui est en fait une moyenne des résultats des autres personnes de notre catégorie d’âge. La mesure de notre intelligence dépend de la mesure des autres», insiste Jacques Grégoire.

Pour répondre à la question de départ: «Les filles et les garçons sont-ils égaux face à l’intelligence?», le chercheur e a analysé toute une série de résultats de tests de QI réalisés sur des jeunes Français de 6 à 16 ans.

«Les tests ont été passés sur des échantillons représentatifs de la population française, explique le chercheur. C’est-à-dire que l’ensemble des participants représente, en plus petit, l’ensemble des caractéristiques (d’âge, de sexe, de milieu social, etc.) de la population des jeunes de 6 à 16 ans. À partir des résultats, on établit des moyennes, qui serviront de base de comparaison.»

Quels résultats?

La récolte des données s’étale sur 35 ans. Que ressort-il de leur analyse?

«Il en ressort qu’aujourd’hui, on ne distingue pas de différence entre les résultats globaux des filles et ceux des garçons», affirme Jacques Grégoire.

Les filles et les garçons sont donc égaux face à l’intelligence.

Pour la WISC-V, (méthode utilisée pour mesurer l’intelligence des enfants), cinq grands domaines sont examinés. Dans l’analyse plus fine des données, on observe tout de même une différence entre les filles et les garçons. Elle concerne le domaine de la «vitesse de traitement». «C’est-à-dire les tâches qui demandent de la rapidité de perception et la précision dans la réponse motrice (dans le mouvement), explique Jacques Grégoire. Par exemple, lorsque l’on écrit ou quand on vérifie une addition. Les filles sont meilleures en vitesse de traitement.»

Le chercheur a plusieurs hypothèses pour l’expliquer dont, par exemple, de meilleures compétences en lecture du côté des filles ou un meilleur ‘contrôle attentionnel’ (capacité à choisir ce à quoi on prête attention et ce qu’on veut ignorer).

«Cette différence peut expliquer, en partie, le comportement scolaire plus appliqué des filles et leurs performances scolaires supérieures à celles des garçons à l’adolescence et au début de l’âge adulte.»

Une évolution pas anodine

Dans les résultats datant de 1981, des différences entre les garçons et les filles, au désavantage de ces dernières, existaient. Elles ont ensuite disparu.

Comment l’expliquer?

«Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intelligence n’est pas quelque chose de figé, déterminé par la structure de notre cerveau, explique le chercheur. Notre cerveau se développe aussi en fonction de ce que l’on fait. L’intelligence n’est pas prédéterminée à la naissance. Elle grandit parce qu’elle est stimulée.»

On peut comparer cela à la pratique d’un sport ou d’un instrument: on peut avoir un talent à la naissance, une prédisposition, mais sans travail, on ne progresse pas.

À une certaine époque, les filles et les garçons n’avaient pas accès aux mêmes opportunités d’apprentissage. Et donc, ils ne développaient pas les capacités intellectuelles de la même manière. «Mais une fois qu’on a offert aux filles les mêmes opportunités d’apprentissage qu’aux garçons, que ce soit à l’école, dans les activités extrascolaires, à la maison, etc., on se rend compte que les différences diminuent, jusqu’à disparaître», confirment Jacques Grégoire.

«Les résultats de mes recherches confirment donc que chacun peut suivre l’orientation qu’il désire, conclut le chercheur. Il n’y a aucune raison de privilégier certains apprentissages ou certaines filières de formation en fonction du sexe.»