Depuis 2017, Xavier van der Stappen et son association Cultures & Communications font produire des tentes en carton et les distribuent, en hiver, à des personnes qui dorment dans la rue. Nous avons accompagné Xavier lors d’une distribution à Bruxelles.

Il nous montre une pile de cartons dans sa camionnette: « Ça fait 25 tentes.» Voilà qui nous semble bien fragile par rapport à des tentes en toile ! «Elles peuvent tenir facilement deux mois, répond-il. Le carton est épais, c’est solide. Et évidemment, les sans-abri essaient en général de se mettre à l’abri de la pluie. »

Nous voilà en route. Il est 16 h 30. Comment et où Xavier va-t-il trouver les personnes qui dorment en rue? « Il est un peu tôt. À cette heure, les personnes sans-abri se déplacent, elles cherchent de quoi manger (il y a des distributions de nourriture par diverses associations).»

À un feu rouge, un homme approche de la camionnette, un gobelet à la main. Il réclame une petite pièce. Sur le trottoir, on remarque une vieille poussette remplie de brols. Ce sont ses affaires. «Vous voulez une tente en carton pour dormir, Monsieur? », lui demande Xavier. On se gare sur le bord de la route. L’homme appelle une femme et ils approchent. Xavier sort un grand carton rectangulaire, le déplie et glisse deux morceaux triangulaires, à l’avant et à l’arrière, pour faire le fond et l’avant. Il montre, à l’avant, une découpe pour la porte et une autre pour l’aération. Le couple observe et, visiblement convaincu, replie la tente et emporte les cartons.

«Ma chambre»

Devant un bâtiment, à l’abri de la pluie, des hommes sont allongés sur des matelas ou dans des tentes arrondies en toile synthétique. On leur propose des tentes, on en monte une première devant eux. Un jeune approche, convaincu. Il emporte des cartons et dit: «Je vais me préparer ma chambre. Merci ! » D’autres, qui ne parlent pas français et sont visiblement épuisés, glissent matelas et couverture dedans sans rien dire.

Deux têtes sortent d’une tente en synthétique: «On en veut bien une aussi… Dans ceci, on a froid. Et puis, ça devient humide, tout est trempé. Le carton protège du froid. C’est mieux.»

Xavier confirme: le carton isole mieux contre le froid, il est solide, il offre une intimité (il protège du regard des autres) Et quand la tente est en fin de vie, on peut récupérer ou recycler le carton (qui est déjà du matériau recyclé). Bref, pour l’environnement, c’est mieux que des tentes en synthétique qui, rapidement, ressemblent à des «sacs en plastique déchirés».

Le froid piquant

On poursuit la tournée. Près des gares, on repère vite les matelas, les gens assis par terre dans un recoin. On leur propose des tentes, on les monte… Il est 17 h 30. On a déjà les mains piquées par le froid. Au volant, Xavier explique ses motivations : «Dormir dans la rue, c’est très dur, il fait très froid. Je ne sais pas comment ils font. J’ai travaillé pour Médecins sans frontières, dans des camps de réfugiés en Afrique, dans des contextes de guerres et de famines. Voir des gens sans abri ici aussi, alors qu’on n’a pas de guerre, ça me touche vraiment. Je ne peux pas rester sans rien faire…»

On continue de tourner autour des gares, de faire nos distributions et nos montages. À un endroit, on découvre que des tentes en carton données le 24 décembre ont été réinstallées autrement, en combinaison avec des tentes synthétiques. Les tentes en plastique sont posées sur le carton, qui les isole du sol froid. Elles sont aussi protégées du vent par des parois de carton dressées tout autour. «C’est bien ! Qu’ils utilisent ce qu’on leur donne et imaginent autre chose pour que ça réponde à leurs besoins», se réjouit Xavier. Il observe, pose des questions, écoute, cherche à toujours améliorer ses tentes en carton. «C’est le cinquième modèle », nous dit-il.

Il est 18 h 20. Le froid nous pique les jambes et les pieds. Il ne reste presque plus de tente. On repère deux matelas avec des affaires. Il n’y a personne. «On va leur installer une tente, ça leur fera une surprise», propose Xavier.

En deux heures, on a donné 25 tentes et quelques couvertures. «On ne se centre pas uniquement sur Bruxelles. On a aussi donné des tentes à Charleroi, Liège etNamur. On en a distribué 450 depuis fin novembre. Je pense qu’on va en donner 800 cette année. Il y a de plus en plus de gens dans la rue, avec le covid. Et les centres peuvent accueillir moins de monde, à cause des distanciations. Il y a même des centres qui nous demandent des tentes !»

Xavier admet que ces tentes en carton ne règlent pas le problème. Les sans-abri sont toujours en rue. «Mais on fait quoi, dans l’urgence?» Ne rien faire lui semble impensable. Avec ces tentes, il essaie aussi d’attirer l’attention des responsables politiques. Pour chercher des solutions véritables.

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