Dans la collection «Le fil de l’histoire» chez Dupuis, deux enfants partent sur les traces de la peste. Qu’en dit Fabrice Erre le scénariste de cette BD?

Pourquoi parler de la peste ?

Avec ce Covid-19, on a tous dû prendre en compte une menace très concrète. Or, il existe des précédents dans l’histoire. On s’est donc dit, avec Sylvain Savoia, le dessinateur, mais aussi Frédéric Niffle et Lewis Trondheim (deux personnes qui dirigent cette collection qui explique l’histoire aux enfants), que c’était l’occasion d’aborder ce sujet.

La peste, par quoi était-elle causée?

À l’origine, il s’agit d’une maladie des rongeurs (les rats) transmise aux humains par les puces. Mais il faudra très longtemps pour qu’on le comprenne.

La première grande pandémie de peste démarre en 541. En Europe, la dernière se terminera en 1720. Pendant tout ce temps-là, on ne comprend pas la maladie.

Oui, c’était un mystère pour ces gens du passé. Ils n’avaient pas d’instrument pour voir le bacille (bactérie) de la peste. Pas de microscope. Au moment de la peste, les gens pensaient que c’était l’air qui était pestilentiel, porteur de la maladie. Ils pensaient qu’il y avait une vague dans l’air qui prenait d’assaut les villages les uns après les autres. Ce n’était pas tout à fait faux car il y avait une forme de peste, la peste pulmonaire, qui se transmettait par l’air. Quand un pestiféré toussait ou postillonnait, il infectait les gens autour de lui.

La peste était une maladie impressionnante…

Oui, elle était effrayante car elle infectait les ganglions (petits organes arrondis, disséminés partout dans le corps). Le malade avait des bosses sur tout le corps. Parfois aussi, il avait des membres (bras, jambes…) qui noircissaient. Et puis, une personne saine pouvait être atteinte et mourir en deux jours!

Cela a duré jusqu’en 1720, c’est long!

Oui et on pouvait juste se tenir à distance. On séparait les malades des gens sains pour ne pas les contaminer. Certaines populations ont été ainsi préservées, en Europe centrale notamment. Mais une fois qu’un territoire était touché, c’était très difficile de s’en débarrasser.

Finalement, la médecine va apporter des réponses avec la découverte des microbes et des antibiotiques.

Oui, cela permettra de mieux traiter les malades mais on n’a pas réussi à faire de vaccin efficace.

Cet album vous a-t-il apporté plus de peur ou plus de sérénité?

Aujourd’hui, on n’est pas sur le même type de mortalité que la peste qui a éliminé un tiers de la population européenne au 14e siècle. Ceci dit, je pense qu’il y a quand même une anxiété collective et individuelle importante qui est en train de s’installer. Faire ce livre m’a permis de prendre des distances avec aujourd’hui. Mais il m’a aussi permis de comprendre que c’est notre destin de rencontrer ce genre de choses. Aujourd’hui, on a tendance à penser que la science peut nous mettre à l’abri de ce genre de pandémie. Ce n’est pas complètement le cas. Donc on se sent proche de ces gens du Moyen Âge. On partage cela avec eux.

 

Une population qui augmente et qui voyage davantage… deux facteurs propices (favorables) à une pandémie?

«C’était le cas au Moyen Âge. Mais on ne parlait pas alors de mondialisation. Au 14e siècle, il y avait des voyages et des contacts plus nombreux avec l’Asie par la route de la soie (un réseau de routes commerciales entre l’Asie et l’Europe). Cela a mis en contact des populations. Mais une pandémie ne tient pas qu’au virus. Il peut aussi y avoir des liens avec l’évolution d’espèces animales.

Ceci dit, depuis 150 ans, nous avons eu plusieurs alertes. Pour les enfants nés dans les années 2000, c’est leur première pandémie. Mais les adultes ont déjà connu le SRAS, apparu en Chine en 2002, puis la grippe H1N1… Donc à-peu-près tous les dix ans, nous avons eu des alertes qui n’ont pas eu l’ampleur du Covid-19.»