L’esclavage, c’est un sujet dur, douloureux! Ce livre est vraiment pour les enfants?

Je l’ai écrit pour des lecteurs dès 11-12 ans mais je constate que certains l’apprécient déjà à 10 ans. Par contre, c’est sans limite supérieure: on se le prête entre parents, grands-parents…

Comment vous est venue l’idée d’écrire à ce propos?

Ce sujet me travaille depuis l’adolescence. J’ai passé deux années de mon enfance à Abidjan, en Côte d’Ivoire (Afrique). Quand j’avais 13 ans, on est allés quelques jours au Ghana (pays voisin de la Côte d’Ivoire) et j’ai découvert des forts à l’abandon. Ces forts étaient utilisés dans le commerce des esclaves. J’ai donc découvert ce sujet par les pieds, les yeux, le corps… Je n’ai pas arrêté d’y penser. Ça aurait pu être mon premier roman, à la place de Tobie Lolness, mais je voulais consolider mon sujet.

Le thème n’est pas facile!

Il est complexe, mais mes lecteurs vivent dans un monde complexe et je leur fais confiance pour comprendre. L’espace, le nombre de pages, permet de «délabyrinther» le sujet. Je veux être fidèle à la réalité de l’histoire. J’ai lu des centaines de livres, des travaux d’historiens, des enquêtes… Je veux être le plus juste possible.

Qu’est-ce qui est vrai, dans «Alma»?

Les trois quarts de ce qui est dans le livre sont réels: la description du navire et du quotidien à bord, le système de capture et de revente des humains, le commerce des esclaves jusqu’aux plantations… Les peuples que je cite ont tous existé sauf celui d’Alma, les Okos. Là, il y a une part de fantastique qui s’inspire d’une certaine culture africaine.

La maman d’Alma qui chante l’histoire de son peuple, nuit après nuit, dans le bateau rempli d’esclaves, c’est à la fois triste et beau… Ça, c’est fictif (imaginaire)?

C’est inspiré d’un récit réel. J’ai trouvé dans un livre le témoignage d’un capitaine qui avait laissé une femme esclave raconter son histoire de nuit en nuit pour éviter une rébellion (des violences de la part des esclaves) dans son navire.

Il y a des aventures, des pirates, un trésor, des méchants qui ont un côté «humain», des gentils, du suspense… Votre écriture est poétique, certains personnages ont des paroles de sagesse extraordinaires. Et puis, il y a du fantastique! Bref, ce n’est pas un livre d’histoire…

J’ai tiré plusieurs fils: celui de notre histoire, celui de l’aventure… J’avais besoin de ramener les enfants dans des univers connus – les pirates, les trésors… – pour pouvoir dire les choses graves sans effrayer.

Et ça marche? Quels sont les premiers échos?

Les enfants font corps avec Alma, ou avec d’autres personnes comme Amélie, la fille de l’armateur, ou Joseph, qui veut trouver le trésor. Chacun trouve son personnage. Les réactions des lecteurs me bouleversent et me donnent le vent dans le dos pour écrire le tome 2 de la trilogie (histoire en trois livres).

Vous êtes en train de l’écrire?

Oui. Je suis dans les plantations de canne à sucre, je lis sur l’hiver qui a précédé la Révolution française en 1789 à Paris, je découvre des histoires d’abolitionnistes (personnes qui ont lutté pour faire supprimer l’esclavage)… Vous lirez tout ça en 2021!

En savoir plus

Du XVe siècle (15e siècle, les années 1400) au XIXe siècle (19e siècle, les années 1800), un vaste système de commerce entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique est organisé. Des navires européens vont sur les côtes africaines pour échanger leurs produits contre des esclaves: des hommes, des femmes et des enfants qui ont été kidnappés sur tout le continent, et qui sont vendus comme de la marchandise! Ces esclaves sont transportés dans les bateaux, dans des conditions inhumaines, vers l’Amérique. Là, ils sont échangés contre de la canne à sucre, du coton, du sucre, du café, du cacao, du tabac, de l’or… qui ont été cultivés et récoltés par les esclaves. Ces produits sont ramenés en Europe. C’est ce qu’on appelle le commerce triangulaire. Plus de 10 millions de personnes ont ainsi été arrachées à l’Afrique et réduites en esclavage.