Alice Gobiet travaille comme chargée de communication au Service public Wallonie, dans le secteur de la mobilité.

Pendant une dizaine de jours, elle a mis son travail habituel de côté, placé un casque téléphonique sur ses oreilles et intégré le call center wallon s’occupant du «tracing» ou traçage, le suivi de contacts des personnes touchées par le coronavirus.

Elle nous explique son expérience.

La mise en place du dispositif du «contact tracing» (suivi des personnes) s’est déroulée en deux phases. La première a débuté le 4 mai, avec des volontaires. La seconde a été lancée mi-mai. Les missions ont alors été reprises par un regroupement de mutuelles associé à des entreprises spécialisées dans les calls centers.

À quoi sert ce dispositif de traçage?

Le covid-19 est très contagieux. Quand quelqu’un est malade, tous les gens avec qui il a été en contact ont potentiellement (peut-être) été infectés. Le traçage permet de prévenir ces personnes, pour qu’elles fassent très attention, à elles et aux autres.

Concrètement, comment ça se passe?

Deux types de personnes sont contactées par téléphone: des personnes ayant été testées positives au coronavirus et les personnes ayant été en contact avec elles. Ce sont les médecins qui encodent dans le système les patients testés. Nous les appelons et on leur demande d’établir la liste des gens avec qui ils ont été en contact. On parle de contact à hauts risques lorsque celui-ci a duré plus de 15 minutes avec moins d’1,5 m de distance entre les personnes. On peut alors prévenir les personnes concernées. On leur explique de faire très attention, de bien respecter les consignes de sécurité et on leur conseille de se faire tester si des symptômes (signes) de la maladie apparaissent.

Sont-ils obligés de le faire?

Non. On ne peut pas forcer les gens à faire quoi que ce soit. Ils ne sont pas obligés. Mais c’est un geste civique, citoyen, que l’on fait pour soi et pour les autres.

Et quand les personnes à contacter sont des enfants, comment cela se passe-t-il?

On demande à parler à l’un des parents ou au tuteur (responsable légal) si la personne à contacter est mineure (moins de 18 ans). C’est cette personne qui réalise la liste avec l’enfant. Je n’ai pas eu personnellement le cas.

Sait-on qui dans notre entourage a été testé positif?

Non. Tout cela est anonyme. On ne dit pas aux gens qu’on appelle avec qui ils ont été en contact. On ne peut pas le faire, car on est tenu au secret médical. On a signé un document officiel, on n’a pas le droit de se servir de cette information. Par exemple, nous ne sommes pas là pour juger ou punir ceux qui n’auraient pas respecté les règles de confinement. Les informations que nous récoltons ne peuvent pas servir à cela. Le but, c’est d’empêcher le coronavirus de continuer à s’étendre.

Comment réagissent les personnes appelées?

Dans la grande majorité des cas, elles étaient de bonne volonté pour nous transmettre leur liste de contacts, et aussi contentes de voir que l’on prenait le temps de discuter avec elles. Je n’ai pas ressenti de stress et de panique. Les personnes avaient bien entendu parler du traçage dans les médias. Puis, nous sommes tous confinés chez nous depuis de nombreuses semaines, cela fait du bien de parler. Je dirais qu’un quart des personnes ne voulait pas nous répondre. Des agents de terrain ont désormais pour mission d’entrer en contact avec les personnes que nous n’avons pas pu joindre.

Le traçage est très mal perçu par certains. Ils disent que cela ne respecte pas nos libertés et que les données récoltées pourraient être utilisées contre nous…

La bonne gestion des données et le respect de nos libertés étaient un point très important pour moi. Je me suis bien renseignée avant de me porter volontaire. Les données récoltées sont protégées, elles sont anonymes et ne pourront être utilisées qu’à des fins de statistiques et d’analyses médicales. Aussi, il faut savoir que le traçage existe déjà pour d’autres maladies comme la méningite. Les donnés récoltées sauvent des vies.

Quel était le rôle des volontaires?

Nous avons testé la plateforme d’appel. Elle a été mise en place en quelques jours à peine. Il fallait donc en «essuyer les plâtres». Nous avons rencontré une série de problèmes. Les identifier était très important, pour qu’ils puissent être réglés.

Quel genre de problèmes?

Il y a eu des problèmes informatiques comme des difficultés pour se connecter sur la plateforme. Ou alors, les langues de référence n’étaient plus les bonnes. Et donc, je me retrouvais avec des personnes parlant italien au téléphone alors que je ne maîtrise pas du tout cette langue. J’essayais de dire «on vous rappelle», en italien, en m’aidant d’un traducteur en ligne. C’était assez drôle. Il y avait aussi un mauvais numéro de téléphone qui revenait tout le temps. Un monsieur a été appelé près de dix fois, le pauvre.

Et quel est votre sentiment, maintenant que c’est terminé?

Je suis très contente de l’avoir fait. J’avais envie de me sentir utile, de faire quelque chose d’utile. Et l’objectif est atteint. Comme nous n’étions que des volontaires, tout le monde était extrêmement motivé. On venait de toute la Wallonie, on s’est connectés les uns aux autres pour travailler ensemble. C’était très dynamique. Les formations étaient très bien faites et on a été très réactifs, c’était bien! Maintenant, ce n’est pas mon métier. Je ne suis pas formée pour faire face à des personnes en détresse, par exemple. Je suis donc contente de l’avoir fait, et contente que ce soit terminé.

Pour faciliter le traçage, Emmanuel André, virologue et porte-parole de la lutte contre le covid-19, conseille à chacun de noter les personnes avec lesquelles il est en contact.

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