Un des instruments du déconfinement est le port du masque qui protège l’entourage du porteur.

La Belgique doit s’équiper de millions de masques de protection. Selon une étude menée par l’université d’Anvers, six Belges sur 10 possèdent déjà un masque buccal (pour la bouche) prêt à l’emploi. Un quart des personnes interrogées en ont plusieurs exemplaires chez elles.

Des millions de masques

Au début de l’épidémie, spontanément, des milliers de personnes, surtout des femmes, ont sorti leur machine à coudre pour fabriquer des protections aux soignants. Tout un réseau s’est installé, constitué de bénévoles (des personnes qui travaillent gratuitement).

Ce premier mouvement se poursuit, et parfois s’essouffle. Coudre ces masques prend beaucoup de temps et demande de la matière première qui n’est pas gratuite. Parfois, le choix de faire des masques n’est plus spontané car une pression s’exerce, y compris de la part d’autorités qui doivent équiper des habitants ou des travailleurs. Le ras-le-bol commence à s’exprimer, la fatigue aussi.

Annabelle Locks est costumière de théâtre. Comme beaucoup d’autres, elle s’est retrouvée sans travail alors que du travail… il y en a, avec ces masques! Avec d’autres couturières, elle a décidé de créer une entreprise qui récupère des tissus donnés par des Bruxellois, et les recycle pour la création de masques. Le nom? Les Masques de Bruxelles.

Cette entreprise avait besoin d’un local. Des théâtres – qui pourtant sont eux-mêmes en difficulté car à l’arrêt – leur en ont proposé. Et deux d’entre eux ont même mis à leur disposition des machines à coudre industrielles.

«Pour le moment, on vend nos masques 10 euros, et les personnes qui les cousent sont payées 5 euros de l’heure. C’est peu. On devra augmenter le prix du masque. Ceci dit, nos masques sont conçus pour durer, résister aux lavages répétés, réalisés par des personnes qui ont du savoir-faire. De telles entreprises en circuit court, qui recyclent les tissus, pourraient être créées un peu partout en Belgique. Nous sommes prêtes à transmettre notre expérience aux groupes intéressés. Cela donnerait du travail à des couturières qui, sinon, sont au chômage. On pourrait par la suite aussi créer des chasubles, par exemple.»

Offrir une partie de la production

«Depuis le début, nous avons décidé de venir en aide aux personnes sans papiers. La première fois que nous sommes venues leur porter des masques, vous pouvez imaginer leur joie! À ce moment-là, nous avions épuisé notre stock de tissus et lancions un appel aux dons de jeans. Ces personnes nous ont demandé comment nous nous en sortions. Et quand elles ont appris notre problème de tissus, elles nous ont donné accès à leur hangar de pantalons. Ce sont des pantalons collectés pour les sans-papiers. Certains jeans trop grands ne leur servent pas. Ce cadeau nous a émues, car c’était un bel échange!»

«Je ne m’oppose pas au bénévolat, explique Annabelle Locks. Ce à quoi je m’oppose, c’est aux appels à bénévolat car il s’agit de publics qui parfois n’ont pas le choix: des étudiants d’écoles de stylisme, des détenus, des personnes sans papiers (des gens venus d’autres pays, qui n’ont pas obtenu l’autorisation officielle de la Belgique pour pouvoir rester ici)… en plus des femmes qui sont parfois poussées à produire gratuitement. J’aimerais que l’on compte toutes ces heures de travail sans contrat, sans rétribution. Ce sont quand même les femmes qui ont le plus souvent, en Belgique, des emplois précaires à temps partiel ou moins bien payés. Alors pourquoi ne pas au moins compter les heures qu’elles donnent maintenant? Et les valoriser d’une manière ou d’une autre dans leur calcul de chômage ou pour leur pension? Ce serait une manière de les remercier.»

Pour équiper les élèves avec des masques, la Fédération Wallonie-Bruxelles, chargée de l’enseignement, a commandé du gel hydroalcoolique et des masques pour toutes les écoles. Les directions pourront aller chercher ces masques et ce gel entre les 13 et 15 mai.