Ce 27 avril, officiellement, 32 015 cas de covid-19 avaient été recensés (comptés) en Afrique. À l’échelle du continent, c’est finalement assez peu. C’est rassurant, pour le moment, car à cause de la pauvreté, les services de santé manquent de matériel, de personnel et d’infrastructures (hôpitaux, centres de santé…).

Mais ces chiffres sont-ils fiables? Nathalie Schots, du réseau IDAY qui regroupe plus de 600 organisations africaines: «Au Burundi, plusieurs collègues disent que la vie est normale et ne voient pas de malades. Mais d’autres pays ne donnent pas les chiffres exacts pour ne pas alarmer les gens parce que le confinement est impossible. Beaucoup de gens vivent au jour le jour, ils doivent sortir pour gagner de quoi manger. Peu de gens ont des réserves alimentaires ou pécuniaires (en argent). Et puis, il n’y a pas assez de dépistages

Claire Le Prive, qui travaille pour Oxfam sur la région Ouest et Centre de l’Afrique, signale, dans cette zone, «une augmentation importante des cas de covid-19. Mais il est difficile de connaître la situation dans son ensemble car les pays ont des capacités différentes pour tester les cas

Le début de l’épidémie

Alors, peut-on être soulagés? Le docteur Michel Van Herp, épidémiologiste (spécialiste des épidémies) de Médecins sans Frontières, pense que l’épidémie n’en est sans doute qu’à ses débuts en Afrique: «On n’a pas assisté à des épidémies fulgurantes comme en Italie ou en Espagne, par exemple. La première explication, c’est qu’en Afrique, il y a beaucoup d’enfants et peu de vieux. Dans certains pays, 50% de la population a moins de 15 ans. Or, le covid touche plus les personnes âgées. Autre explication, mais sur laquelle les scientifiques se crêpent le chignon, c’est peut-être l’effet de la chaleur.» Les températures sont plus élevées à Conakry ou à Kinshasa qu’ici, ce qui, pour certains scientifiques, permet aux gouttelettes de salive contaminée, par exemple, de s’évaporer plus vite. Pour ces scientifiques, cela pourrait expliquer que les pays autour de l’équateur seraient moins à risque du fait des températures plus élevées. «Mais on craint alors que le virus survive longtemps en faisant du ping-pong entre l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud en fonction des saisons », précise Michel Van Herp.

Autre facteur (élément qui a un effet) qui expliquerait un lent démarrage de l’épidémie: on n’a pas eu, en Afrique, des masses de voyageurs contaminés qui se déplaçaient en avion d’un pays à l’autre. Les frontières se sont fermées, certains pays ont limité les déplacements, ont imposé un confinement ou un couvre-feu (interdiction de sortir la nuit)…

Les difficultés

En fait, les deux ou trois prochaines semaines seront cruciales (très importantes). Sur le terrain, les organisations humanitaires (qui aident les populations en difficulté) et les autorités publiques se préparent en faisant passer des messages de prévention et en fournissant du matériel. Mais c’est compliqué.

Dans certaines régions, le «rester chez soi» est impossible, les violences augmentent et des gens réclament à manger dans certaines villes. Une partie de la population n’a pas d’accès facile à l’eau, ce qui rend impossible le lavage des mains à longueur de journée.

Et puis, il y a tous ceux qui n’ont pas de maison. Les enfants des rues, par exemple, ne peuvent plus mendier pour gagner de quoi se nourrir et n’ont nulle part où aller…

Claire Le Prive, à propos de l’Afrique de l’Ouest et du centre: «Plus de 26 millions de personnes ont déjà besoin d’aide humanitaire ainsi que 5 millions de déplacés dans les régions du Sahel et en République centrafricaine…» Que vont devenir ces gens si une épidémie de covid-19 surgit?

Il faudra donc sans doute aider l’Afrique… et pas seulement pendant l’épidémie. Claire Le Prive est pessimiste: «Selon les prévisions, la lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne (au sud du désert du Sahara) pourrait reculer de 30 ans». Il va falloir réagir… On ne pourra pas rester indifférents !