Nous avons reçu les témoignages de huit détenus de la prison de Marche (province de Luxembourg). La situation est différente d’un établissement à l’autre, mais qu’est-ce qui a changé à Marche?

Ornella trouve que «c’est plus dur. Nous n’avons plus aucune activité et ça joue énormément sur le moral.» À Marche, en temps normal, les détenus peuvent faire du sport, suivre des formations, et, plusieurs heures par jour, sortir de leur cellule pour aller dans les zones communes de leur aile (partie de prison), comme la cuisine, les couloirs, dans les cellules des autres…

Certains détenus travaillent encore, pour des fonctions indispensables: cuisine, buanderie (laver le linge)… Mais beaucoup n’ont plus de boulot, plus d’activités, et restent donc plus longtemps dans leur cellule. D’autres refusent de sortir pour aller au préau (cour extérieure). Ils y ont droit une heure le matin et une heure le soir, mais certains craignent pour leur santé malgré les mesures prises.

Ne plus voir ses enfants

Le plus difficile, pour beaucoup de détenus et leurs familles, c’est de ne plus se voir. Greg a deux filles de 23 et 11 ans. «La petite a dur: elle s’occupe, mais elle demande souvent quand elle pourra revenir me voir».

Certains détenus ont parfois des autorisations de sortie, pour une durée précise et en respectant certaines conditions, mais depuis le confinement, ces sorties sont suspendues. Marcello: «J’ai eu la chance d’aller voir ma fille le 6 mars. J’aurais dû la voir le 30 mars mais avec le confinement, c’est impossible. »

Pour garder le contact, les détenus peuvent téléphoner (mais pas recevoir d’appels). Ces communications sont payantes et même s’ils ont reçu des crédits, ces communications peuvent leur coûter plusieurs centaines d’euros par mois! Pourtant, vu le contexte et l’absence de visite, ces appels sont d’autant plus importants… «Ma plus grande crainte, c’est que ma famille devienne malade, dit Ornella. Je me sens impuissante.» «Je m’inquiète plus pour mes proches et mes ami(es) que pour moi-même», explique Didi.

Fabrice: «J’ai très peur pour ma maman et mon fils ». Marcello s’inquiète aussi: «Ma fille le vit très mal. En plus, sa maman a le covid-19… Leurs défenses immunitaires vont-elles arriver à combattre ce virus? Vais-je tomber malade en prison? Y aura-t-il encore de la place dans les hôpitaux si nous sommes malades?»

Un détenu qui veut qu’on l’appelle Pardon dans cet article, fait remarquer: «Il n’y a pas que des monstres en prison. Nous faisons des erreurs dans la vie, parfois même plusieurs; je regrette sincèrement les faits pour lesquels je suis en prison. Mais nous sommes parfois condamnés lourdement. (…) Vous voyez la situation de confinement où la population a du mal à rester chez elle… et on ne compte qu’en semaines! Imaginez la situation de beaucoup de détenus: pour nous, c’est en années, que l’on compte!»

Bruno: «J’ai peur que mon fils soit contaminé par ce virus ou que moi-même je l’attrape et qu’il nous arrive quelque chose et que l’on n’ait pas su se dire au revoir! Je voudrais que les personnes qui sont à l’extérieur puissent savoir que, même si nous sommes en prison, nous restons des êtres humains et que nous sommes aussi concernés qu’eux par ce fichu virus

En prison comme ailleurs, il faut prendre son mal en patience. Didi: «Je fais mes exercices fitness en cellule et j’écris, dessine et réalise quelques projets déco et construction sur papier.» Marcello essaie de rester patient: «Nous n’avons plus le choix: rester sereins, positifs, et surtout ne pas céder à la panique». Un dernier détenu ajoute: «Comme tout le monde, je fais avec».