Zita, 13 ans, vit à l’hôpital et souffre d’une leucémie (maladie du sang). Elle s’appelle Boule à zéro car les traitements lui ont fait perdre ses cheveux.

Depuis dix ans, elle occupe la chambre 612 au 6e étage de l’hôpital, celui qui est réservé aux enfants.

C’est Zidrou, l’auteur de L’élève Ducobu, Tamara… qui scénarise Boule à zéro.

Dans ce 8e tome, plein d’humour, Zidrou montre combien les proches d’un malade peuvent avoir des réactions variées: la peur (face à l’inconnu), la colère (contre Dieu, le personnel soignant, un parent…), la culpabilité (de se sentir en bonne santé)…

Zita est une ado qui s’accroche à la vie. Elle donne des conseils, des idées de traitements miracles pour garder la pêche quoi qu’il arrive!

Zita dit: «Le moral, j’ai beau l’abandonner, l’attacher à un arbre, il finit toujours par me retrouver!». D’où vient cette phrase?

Zidrou: Zita, c’est en quelque sorte ma fille, c’est-à-dire qu’elle a mon caractère. Elle sait qu’elle n’a pas le choix. C’est ça ou rien. Elle a dû affronter beaucoup de traitements, mais elle fait face car elle a un caractère déterminé.

Pour Zita, cet hôpital, c’est sa maison. Elle connaît tout le monde. Elle va voir les bébés qui sont nés et va rendre visite aux personnes âgées. Elle est devenue un peu la mascotte de l’hôpital.

Quand on est confiné dans une chambre d’hôpital, on espère des visites. C’est le cas de Zita.

J’ai vécu cela à l’hôpital quand, à 12 ans, j’ai été renversé par une voiture. Je l’ai revécu quand j’ai eu une péritonite (maladie infectieuse) quand j’avais 20 ans. J’ai aussi visité des gens à hôpital et j’ai observé ce qui se passait. Les personnes âgées connaissent cela aussi dans les homes. Devoir attendre des visiteurs qui ne viennent pas ou qui annulent, c’est dur.

Évidemment, comme visiteur, c’est plus sympathique d’aller voir une maman qui a eu un bébé qui va bien que d’aller visiter un collègue de bureau qui a un méchant cancer!

Comme dit Zita: «Les malades, les cassés, ceux qui souffrent… les vivants n’aiment pas ça!»

Souvent, en cas de longue maladie, ce sont les gens très proches qui continuent à venir rendre visite.

Zita, elle, n’est pas trop soutenue par sa famille.

La maman de Zita s’est beaucoup impliquée dans la vie de Zita, surtout quand le papa les a abandonnées. Zita avait alors quatre ans. Par la suite, il y a des réalités financières, un travail, à assumer. Et cela lui sert un peu d’échappatoire.

Dans ce 8e album, le papa de Zita réapparaît!

Il s’est comporté comme un lâche, être courageux n’est pas donné à tout le monde. Ce papa a pris la fuite. En général, les hommes sont plus lâches que les femmes.

Le papa veut se rattraper et ça, c’est un acte de courage! Il revient, mais ça ne se passe pas aussi facilement avec Zita. Un fossé de 10 ans ne se comble pas comme ça, en un instant.

Ce n’est pas évident de revenir vers quelqu’un avec lequel on s’est fâché: une femme que l’on a trompée, un enfant sur lequel on s’est emporté injustement…

Tout cela demande un effort sur soi-même. La vie est faite de difficultés et l’important est la manière de les surmonter.

Moïse, qui loge dans la même chambre que Zita, a lui aussi une leucémie, mais il va pouvoir quitter l’hôpital.

Oui, car une famille l’adopte. On peut douter qu’une famille ait envie d’adopter un enfant malade. Pourtant, dans la réalité, il y a des gens qui font ce genre de choses, cela existe! Comme d’ailleurs il y a aujourd’hui des familles qui accueillent des enfants réfugiés syriens. Et c’est aussi un sacré défi car ces enfants ont vécu parfois trois ans dans un camp, dans des conditions difficiles.

Vous rencontrez aussi des enfants dans les hôpitaux…

Pour que l’on puisse distribuer la BD Boule à zéro dans les hôpitaux, Serge Ernst, le dessinateur de la série, a créé une association, appelée 2000 BD.

Quand je reçois un prix (récompense) pour une BD (Zidrou est scénariste de nombreuses BD), avec une somme d’argent, cela revient à l’association. Serge porte cette association. Moi, je viens juste donner du temps parfois aux familles et aux enfants.

C’est une sacrée organisation de réussir à apporter les 2 000 BD dans des hôpitaux différents.

Ce sont des gouttes d’eau. C’est notre façon de nous investir, d’aller au-delà de la bande dessinée, de rencontrer des gens. Cela nourrit la série mais cela nous nourrit aussi humainement.

Quand on est scénariste de BD, on est souvent en confinement devant son ordinateur. Avoir ce genre de rencontres, pouvoir monter des projets qui invitent des dessinateurs dans les hôpitaux, ça permet de se sentir un peu utile, de sortir de son confinement et de son confort d’auteur de BD.

La situation actuelle, liée au coronavirus, que vous inspire-t-elle?

Je suis une «éponge», je suis curieux de tout. Je vis en Espagne. Et j’ai des idées sur les raisons qui ont pu amener une telle situation. Donc j’observe les réactions et les regards des gens sur ce qui se passe. C’est mon métier d’être ainsi curieux sur ce qui m’entoure.

EN SAVOIR PLUS

Serge Ernst, le dessinateur de la série, a créé une association qui s’appelle «2000 BD».

Il l’a créée pour pouvoir offrir chaque année le nouveau tome de la série BD Boule à zéro aux enfants malades du cancer hospitalisés en France, Belgique, Suisse,… «La maladie de l’enfant, c’est la pire des injustices. Après cela, souvent, ces enfants qui ont dû se battre dans la maladie continuent à le faire. Heureusement, il y a de plus en plus de guérisons. Mais il reste toujours des situations difficiles», explique Serge Ernst.

Boule à zéro, Le fantôme de la Chambre 612, Ernst et Zidrou, éd. Bamboo.