Pico Bogue est une sorte de héros à la «Petit Nicolas». Il se pose des questions sur le sens de la vie. C’est une mère et un fils qui sont les auteurs de cette série à succès. Dominique Roques, 72 ans, scénarise et son fils, Alexis Dormal, 43 ans, dessine.

«Grâce à Pico, dit Alexis Dormal, je peux vivre une vie que je ne mène pas et exprimer tout ce que je n’ai pas su dire.»

«C’est l’esprit de l’escalier, ajoute Dominique Roques. Vous savez, quand on est en visite chez quelqu’un et que l’on nous pose une question. Parfois, c’est lorsque l’on est dans l’escalier, en sortant, que la bonne réponse arrive. On se dit: oh, j’aurais dû lui répondre ça.» Pico est un peu le héros de ces meilleures réponses. «Et quand on conserve, comme auteur, le même personnage, on peut le faire évoluer. Certains lecteurs ont l’impression que Pico grandit. Je pense que c’est nous qui évoluons.»

Pico a une belle complicité avec le commerçant du quartier qui vend des bonbons. Ce Bobby existe-t-il?

Dominique Roques: J’avais un grand-père avec qui j’avais ce genre de relation.

Alexis Dormal (dessinateur): Bobby et Pico discutent beaucoup. Pico veut obtenir de Bobby que celui-ci lui donne un bonbon, c’est ça l’enjeu. Mon travail ressemble à celui d’un metteur en scène. C’est comme une pièce de théâtre, je reçois le texte et je fais la mise en scène.

Dominique Roques: Alexis a fait une école de cinéma. Et c’est sûr qu’en écrivant l’histoire, je pense à ses dessins.

Pico et sa sœur Ana Ana ont aussi une chouette relation avec Papic et Mamite, leurs grands-parents. Mais ceux-ci font parfois des gaffes!

Dominique Roques: Personne n’est irréprochable et c’est peut-être ça qui les rend attachants! Papic a emmené Pico et sa sœur faire une balade au bord de la mer avec des lanternes à pétrole qu’il leur conseille de porter sous leur manteau. C’est un peu dangereux, ils pourraient se brûler. Heureusement que Mamite intervient.

Alexis Dormal: Dans le dernier album L’heure est grave, on a décidé de mettre Papic dans une situation de fragilité. Parler de la maladie, de la mort, on est tous travaillés par ça. Papic ressemble à mon grand-père. Il ne voulait pas prendre sa canne pour aller promener, ni boire de l’eau.

Pico est inquiet et même triste de voir son grand-père malade. Et vous faites réagir l’oncle…

Alexis Dormal: Oui, l’oncle de Pico dit qu’il est content de voir Pico et Ana Ana inquiets car c’est parfois notre inquiétude pour quelqu’un qui renforce notre attachement. Et c’était ce message-là qui était le but de cet album!

Les dessins de toute la série sont colorés, ensoleillés. Comment faites-vous ?

Alexis Dormal: Je fais mon brouillon avec des petits traits qui partent dans tous les sens. Parmi ces traits, certains sont bons et seront donc conservés. Puis, je prends du papier collant et des ciseaux car il y a des découpages à faire. J’enlève une case, j’en rajoute une. Parfois, on décide aussi de couper un texte en deux parce qu’on veut que le personnage commence sur un ton neutre et puis termine sa phrase en s’énervant. Ensuite, sur une table lumineuse, je redessine tout avec un crayon noir ineffaçable et puis, je peins à l’aquarelle, comme on l’a toujours fait depuis des siècles. Et ça… j’adore!

Pico Bogue, L’heure est grave, tome 11, Dominique Roques, Alexis Dormal, éd. Dargaud.

Pico Bogue s’expose au Centre Belge de la Bande Dessinée (CBBD) à Bruxelles jusqu’au 31 mai.

Pico Bogue s’interroge beaucoup sur le sens des mots. Les auteurs ont donc écrit deux livres sur l’étymologie (la science qui étudie l’origine et l’histoire des mots). Chaque mot est présenté sous forme de gag en une planche (parfois un peu plus). On y apprend, par exemple que le mot agenda vient du latin agere qui signifie agir.

«Car, dans un agenda, on a des choses à faire», explique Pico Bogue affalé dans son canapé. Il précise que, dans son agenda, pour tout de suite, il est écrit, «faire une pause».