Il y a quinze ans, Émilie et Sarah créaient Infirmiers de rue à Bruxelles. Elles allaient à la rencontre des personnes qui vivaient en rue pour les soigner… mais pas seulement. « Le point de départ, ça a été l’hygiène, explique Laurène Laroche, qui travaille pour Infirmiers de rue. Aujourd’hui encore, c’est là-dessus qu’on travaille le plus. Proposer à une personne sans abri de se laver les mains ou le visage, c’est créer du lien. Puis quand elle se rend compte qu’avoir les mains propres, ça fait du bien, elle aura peut-être envie d’aller plus loin. On lui propose alors une douche. Ça peut prendre des mois. Mais parfois, la première douche est un déclic pour changer.»

Pourquoi les gens qui vivent en rue ont-ils souvent des problèmes d’hygiène?

Quand on «tombe» en rue (qu’on n’a plus de logement), on a d’autres priorités: trouver où dormir, de quoi manger, de l’argent… On finit par oublier de prendre soin de soi, on a honte, on est découragé… Et puis, on n’a pas de salle de bains ! Il y a aussi des gens qui ne se rendent pas compte de leur état.

Que faire?

Comment aidez-vous ces personnes?

On a des équipes de deux personnes qui vont à leur rencontre. Au-delà de l’hygiène, s’il y a un souci de santé, on va essayer de reconnecter la personne à un centre médical, prendre rendez-vous pour elle avec un dentiste, un médecin… et l’y accompagner. Souvent, nos travailleurs sociaux aident aussi les personnes à se remettre en ordre sur le plan administratif (papiers officiels) pour qu’elles retrouvent leurs droits à des aides. Quand on commence à prendre une personne en charge, on ne la lâche pas. On va même l’aider à trouver un logement.

Vous arrivez à les reloger?

On a relogé 19 personnes l’an dernier. On a une équipe de capteurs de logements qui cherchent des logements et font le lien avec les propriétaires. On a des bénévoles (qui offrent du temps sans être payés) qui suivent la personne après sa remise en logement. Ils vont créer du lien avec elle, la faire sortir de temps en temps, voir si elle va bien, veiller à ce qu’elle prenne soin d’elle et de son lieu de vie… C’est un soutien qui dure des années.

Après plusieurs années en rue, c’est difficile de vivre de nouveau dans un endroit à entretenir, avec une vie à gérer?

Oui. Il peut y avoir des situations de déprime, d’alcoolisme, de solitude, de maladie… Donc, on accompagne la personne pour que ça se passe bien.

Les rêves

Comment redonner confiance et courage?

On travaille beaucoup sur les rêves des personnes et leurs ressources (leurs expériences, talents, connaissances…). On les leur rappelle régulièrement, pour les motiver. Et une fois en logement, on essaie de réaliser ces projets. Par exemple, un monsieur qui aimait jardiner s’occupe maintenant du jardin d’une maison de repos. Un autre qui aimait les animaux est bénévole dans un refuge pour animaux abandonnés…

Certaines personnes sans abri ont des enfants?

Oui. Si une famille est à la rue, on la confie à une autre organisation, qui peut répondre à leurs besoins particuliers. Mais il y a des personnes sans abri qui ont des enfants et ne les voient plus, par honte ou parce que le lien est coupé avec les enfants et l’autre parent. Dans ce cas, renouer avec les enfants peut être le rêve qui va les motiver à s’en sortir.

En savoir plus

Infirmiers de rue compte 30 employés et une septantaine de bénévoles. L’association coordonne son travail avec d’autres organisations actives pour les mêmes causes.

L’association a notamment réalisé un plan qui situe les fontaines d’eau potable et les toilettes à Bruxelles.

Infirmiers de rue donne des formations à une série de gens qui, dans leur métier, rencontrent le public défavorisé et ne savent pas toujours comment les aborder (assistants sociaux, agents de sécurité, personnel médical…).

À Bruxelles, Infirmiers de rue touche des centaines de personnes en «présuivi» dans la rue, et 25 personnes chaque semaine en «suivi intensif».

+ LE SITE INTERNET D’INFIRMIERS DE RUE