Des réussites? Quentin Michel, un professeur de l’université de Liège, spécialiste de l’Europe, en voit plusieurs: «Il y a le programme Erasmus qui permet à des jeunes d’aller suivre une partie de leur scolarité dans un autre pays et de voir ce parcours reconnu dans leur pays d’origine. On peut aussi se réjouir de l’euro, la monnaie commune, qui facilite les échanges. Autre progrès: la libre circulation. On peut aller en voiture de Bruxelles jusqu’en Italie ou ailleurs sans être contrôlé aux frontières.»

Et des ratés?

«Comme les travailleurs peuvent circuler librement, on voit arriver chez nous par exemple des personnes de pays de l’est de l’Union européenne, comme la Pologne ou la Slovénie, qui acceptent des salaires beaucoup plus bas que les nôtres car c’est les salaires de référence chez eux. Cela crée de la concurrence (compétition). Si on paie quelqu’un 20 euros de l’heure et qu’un autre accepte de travailler pour 5 euros de l’heure, on voit vite avec qui le contrat va être passé.»

Est-ce la faute de l’UE?

«Oui, parce qu’elle a mis en place cette libre circulation et parce que, malheureusement, les États ont refusé d’harmoniser (d’accorder) leurs systèmes sociaux (notamment les règlements en matière de travail). L’Union a la capacité de le faire mais les États ne le veulent pas. Les pays membres refusent de s’accorder aussi au niveau de la santé, du chômage… C’est leur responsabilité. C’est comme si on avait amélioré le moteur de la voiture mais jamais ses pneus. On peut rouler de plus en plus vite mais les pneus ne sont pas adaptés.»

Peut-on réussir une Union avec des grands écarts de richesses?

«Au fil du temps, les pays qui sont entrés dans l’Union étaient des pays plus pauvres. Le système peut fonctionner si les États les plus riches sont prêts à aider les autres à remonter le niveau. L’Union, cela devrait être la solidarité. D’ailleurs, tous les traités initiaux (du début de l’Union) parlent du partage entre les citoyens et entre les États. Malheureusement, dès que les pays sont en crise (produisent moins de richesses), ils sont moins d’accord de partager ou sont d’accord de partager jusqu’à un certain point. On le voit avec les migrants qui arrivent sur les côtes de l’Espagne, de la Grèce, du Portugal et de l‘Italie: les pays moins concernés (parce qu’ils ne bordent pas la Méditerranée, par où arrivent de nombreux migrants) veulent bien être solidaires mais jusqu’à un certain point, plutôt que de dire que c’est un problème pour tous, à partager ensemble.»