Bottes aux pieds, manteau sur le dos, les élèves de Madame Tatiana se précipitent vers le petit bois qui borde leur école. Nous sommes dans une école d’enseignement spécial (pour enfants en difficultés d’apprentissage). Elle se trouve en pleine ville, à Arlon (province de Luxembourg).

Pour beaucoup d’enfants, les premières sorties en forêt ont été une découverte, avec des peurs et des gestes malheureux. Els De Man, qui les accompagne dehors tous les lundis, raconte: «Au début, ils écrasaient les insectes, frappaient les arbres. Ils avaient peur des petites bêtes. Une des filles refusait même de venir. Maintenant, ils réclament, ils courent, ils sont à l’aise. Ils adorent observer les insectes, ils les prennent sur leurs mains, ils s’y intéressent

Pendant que nous marchons, certains enfants courent cueillir des mûres. Miam! Émilien va un peu plus loin, près d’une des trois cabanes. Surprise! Il y a une balançoire accrochée à une branche!

Adnan, lui, ouvre le chariot qu’il a fait rouler jusque là. Il en sort un hamac. Les élèves réfléchissent: comment l’accrocher pour qu’il soit à la bonne hauteur? Ils essaient, testent, c’est trop court, trop long… et ils trouvent ensemble la solution.

Le bois et le jardin

Le petit bois mène à un jardin, avec des arbres fruitiers, une mare, un potager, une ruche, des hôtels à insectes, un tunnel végétal, des petits abris pour hérissons… Les enfants sortent des boîtes-loupes du chariot. «On a un criquet! C’est un mâle, regarde ses pattes!» «Moi, j’ai un gendarme!» Certains enfants viennent avec une araignée qui se balade sur la main. Eva montre sa boîte-loupe: «C’est une tipule, comme on a vu l’autre jour dans le livre.» «Elle veut sortir», constate Émilien. Eva ouvre la boîte et libère l’insecte.

Madame Tatiana, leur institutrice, les regarde: «Ici, ils ne sont pas les uns sur les autres comme en classe. Ils peuvent courir et sont libres de faire ce qu’ils veulent. Là, on a deux filles qui jouent ensemble dans un coin, tranquillement. Ça crée des liens. » Els De Man ajoute: «Ils remarquent les talents des uns et des autres. Et la nature leur fait du bien. Beaucoup ont marché pieds nus dans l’herbe pour la première fois ici. Et puis, ils observent, posent des questions, et on cherche des réponses ensemble, dans des livres, sur Internet… L’an dernier, en hiver, ils ont demandé où étaient les animaux, les oiseaux… On a donc cherché les réponses ensemble. Ils sont devenus curieux. Souvent, ils sortent la peinture et le papier du chariot, et ils peignent ce qu’ils voient.»

La nature apaise et fait du bien

Les enfants sont apaisés grâce à ces sorties. Marcher en forêt, se balancer dans un hamac, fabriquer des cabanes, marcher pieds nus dans l’herbe et grimper aux arbres, tout cela les aide à être mieux dans leur corps, à avoir un meilleur équilibre. Les relations entre les enfants sont meilleures, il y a moins de conflits et l’ambiance en classe est différente.

Selon Madame Tatiana, ces sorties aident aussi les enfants à apprendre des choses qui sont parfois compliquées pour eux, ou qui leur semblaient inutiles. Les dimensions, le calcul, les distances, les surfaces, le vocabulaire de la forêt, les sciences de la nature… tout cela se retrouve dans leurs questions et observations ici. «Et puis, ils apprennent à exprimer leur ressenti, à être autonomes (débrouillards) et libres. Ils se voient autrement qu’en classe. Et moi aussi, je les vois sous un autre angle. Nina, par exemple, était fière de savoir grimper dans un arbre, alors qu’en classe, elle a des difficultés. »

Blessing, assis par terre, se relève en s’exclamant: «J’adore les animaux! » Hitane, elle, reçoit les félicitations de Madame Tatiana: «C’est bien, cette fois, tu as osé manger une fleur de bourrache!»

Les enfants sortent en forêt au moins une fois par semaine, toute l’année, même s’il pleut ou s’il neige. Rester connecté avec la nature et respirer le grand air, c’est essentiel pour se sentir bien. C’est aussi important pour être en bonne santé.

Beaucoup d’enseignants sont convaincus et le répètent régulièrement en classe: «Tous dehors! »

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