On l’appelle Cité Soleil, c’est un vaste bidonville, c’est-à-dire un immense espace surpeuplé, où la population vit dans une extrême pauvreté, sans accès à l’eau potable, sans W-C, sans électricité, dans des abris fragiles…

Cité Soleil a été créé il y a 55 ans. Le bidonville s’est développé, a connu beaucoup d’épisodes difficiles, marqués par une grande violence.

Un nouveau projet fait parler de lui. Il a démarré il y a un an. Tout a commencé quand des jeunes qui, jusqu’alors, s’affrontaient, ont trouvé une entente. Les jeunes sont majoritaires (en plus grand nombre) parmi les 500 000 habitants. Ils ont imaginé un projet de bibliothèque.

Des milliers de livres

À Cité Soleil, il n’y a qu’une seule école d’enseignement secondaire, pas d’école supérieure. Beaucoup d’habitants ne savent ni lire ni écrire. Mais les jeunes ont décidé que «s’il fallait faire quelque chose pour Cité Soleil, cela devait d’abord commencer avec et pour les habitants». Ils ont donc sollicité les habitants. Un des policiers qui travaillent à Cité Soleil raconte: «Ce qui m’a fait très plaisir et qui m’a beaucoup motivé, ce sont les gens qui ne savent ni lire ni écrire, mais qui donnent quand même de l’argent en disant: voilà mes 50 gourdes (0,60 euro), c’est pour mon enfant. Je veux qu’il ait une bonne éducation.» Et il ajoute que si l’on veut que le calme perdure, ce projet doit être l’affaire de tous.

Le slogan (phrase choc) lancé par les jeunes: «Un livre, deux livres… mettons-nous ensemble». Plus de 10 000 livres ont déjà été collectés, ainsi que 4,7 millions de gourdes. Mais où va-t-on installer cette bibliothèque? Tout a été réfléchi. Ce sera au croisement des 34 quartiers de la Cité, histoire de ne pas titiller (chatouiller) la mémoire des gangs rivaux.

Selon certains, participer à ce projet de konbit (qui veut dire «travail collectif» en créole, la langue parlée à Haïti) est une fierté. «Ma plus grande fierté est de poser ma pierre dans ce projet qui n’appartient ni à moi, ni à mon voisin, ni à l’autre mais à nous tous, pour nos enfants» explique Dieula, une jeune pharmacienne qui se souvient que, pendant ses études, elle était obligée d’aller très loin de son quartier pour trouver de la documentation.