Laetitia Barlerin, quel était votre rôle dans ce film ?

C’était, en amont du tournage, de relire le scénario avec le réalisateur. Pour voir s’il y avait des incohérences d’un point de vue médical, d’un point de vue comportemental, ou dans les relations homme-animal. Le réalisateur voulait surtout que tout soit naturel, qu’il n’y ait pas de fantaisie par rapport à l’animal et à la vie réelle.

Ensuite, j’ai aussi expliqué au réalisateur à quoi il pouvait s’attendre lors du tournage… Tourner avec des animaux, ce n’est pas simple.

Plusieurs chats jouaient le rôle de Rroû ? D’où venaient-ils ?

Il y avait quatre chatons. Le film a été tourné à des saisons différentes et donc, on a suivi la croissance de ces quatre chats acteurs. Mais je dois dire qu’un des quatre chats a tourné 80% des séquences, parce qu’il était extraordinaire, il était disposé à faire ce qu’on lui demandait. Les trois autres étaient plutôt ses doublures.

Mon chat et moi… Rrou était joué par quatre chats. (Photo Olivier Toussaint)

Comment fait-on faire une chose précise à un chat devant la caméra ?

La première chose, c’est de connaître son comportement. L’observer, comprendre sa personnalité, car chaque chat a sa personnalité. Certains chats acteurs sont motivés par telle friandise, d’autres par tel jeu, ou par la curiosité. En fonction de cela, pour les scènes, il faut imaginer tout ce qui peut se faire pour que le chat ait le comportement voulu.

Il faut aussi respecter le rythme du chat. En journée, le chat a des périodes où il dort, et des pics d’activités à d’autres moments. Si on veut le faire tourner au moment où il doit dormir, c’est difficile. En même temps, si on veut filmer le chat qui ne bouge pas alors que c’est son quart d’heure d’activité, ça n’ira pas.

Dans le film, il y a aussi un chien. Et ce chien, lui, c’était un acteur né! Il adore faire des choses. Éduquer le chien pour le faire jouer dans un film, c’est le rôle de la coach animalière. Ici, c’était Muriel Bec.

Mais en tout état de cause, vous savez, le réalisateur est très important dans les films avec des animaux. Il doit savoir et accepter que c’est le tournage qui doit être à l’écoute de l’animal, et pas l’animal qui doit faire ce qu’on veut pendant le tournage.

S’il y a plusieurs animaux ensemble, comment gère-t-on ça sur le plateau de tournage ? Un chat et un lynx, par exemple…

Il y a des effets de perspective et de montage. Ils n’ont peut-être pas été mis en contact ensemble sur le plateau de tournage.

Il y a aussi les odeurs. Chez Muriel Bec, il y a beaucoup d’animaux différents qui grandissent ensemble. Et donc, les chats ont été habitués aux odeurs d’autres espèces animales. Quand on veut faire tourner ensemble des animaux qui, normalement, sont des ennemis dans la nature, on les fait grandir ensemble pour que chaque espèce considère l’autre comme un ami.

Laetitia Barlerin est vétérinaire et aime partager sa passion et ses connaissances dans les médias, dans des livres… (Photo Lola Ledoux)

Vous étiez présente pendant le tournage ?

Non, je n’ai pas pu. C’était un tournage en petit comité. C’est bien, parce que les animaux ont besoin de calme.

Il y avait une difficulté particulière à ce film?

Le chat ! Tourner avec un chat est bien plus difficile qu’avec un chien, par exemple.

Et puis, je trouvais que dans le scénario, on respectait bien l’émotion, la pensée du chat. C’était très bien écrit dans le scénario. Mais j’ai tout de suite demandé : « comme vas-tu faire ? » Un chien a beaucoup de mimiques. On voit si il est en colère, s’il a peur… Mais chez un chat, c’est plus discret ! Et pourtant, ils ont réussi à montrer que Rroû est amoureux, par exemple. Eh bien moi, je dis bravo !

Vous avez été conseillère vétérinaire sur d’autres films. Qui décide de faire appel à vous?

Je l’ai été sur Les vétos et Le Renard et l’enfant, par exemple.

En France, la fondation Trois millions d’amis donne un visa qui garantit que les animaux ont été bien traités pour le film. Donc, je vais parfois sur les tournages pour vérifier que l’acteur animal est respecté avant (sélection, coaching), pendant (comment on tourne, comment on le transporte, où il loge, ce qu’on fait avec lui pendant les pauses) et après le tournage (que devient l’animal ensuite). Ce visa apparaît sur l’affiche du film et dans le générique.

Ce sont les réalisateurs qui demandent cette présence, ou c’est exigé par la loi ?

Le public voit parfois des animaux malades ou blessés dans un film et se pose des questions. Donc, les réalisateurs veulent de plus en plus rassurer. Le bien-être animal est devenu important et je défends ce visa, qu’on obtient en respectant une charte en 24 ou 25 points.

Le respect des animaux dans un tournage, ça ne va pas de soi ?

Un jour de tournage, ça coûte très cher. Donc, certains réalisateurs veulent respecter leur agenda et, même si un animal ne peut pas tourner parce que fatigué, malade ou pas disposé à faire ce qu’on attend de lui, ils essaient d’imposer leur volonté. Le coach doit imposer le respect de l’animal. Mais tout dépend du réalisateur et du producteur. Parfois, ils refusent d’écouter le coach animalier.

Qu’est-ce qui vous a plus sur le film Mon chat et moi?

C’est un film bienveillant avec les animaux. Dans ce film, on s’intéresse à l’animal, à ce qu’il peut apporter à l’homme, aux liens qu’on a avec lui. On s’interroge: est-ce qu’un animal nous appartient ou pas ? Moi, je pense qu’on ne possède pas la nature, on doit respecter l’animal et sa liberté.

L’actrice belge Lou Lambrecht a déjà tourné avec un lionceau. Elle en avait parlé dans une classe JDE en février 2022.