Pierre Salvadori, qu’est-ce qui vous a inspiré l’idée de ce film ?

C’est un mélange de plein de choses. De souvenirs de mon enfance dans le maquis, près de la rivière, et de l’importance de la liberté que j’avais dans cette nature. Mais, au départ, c’était une autre histoire, avec des adultes un peu maladroits qui se retrouvent dans une situation pas possible. Mais j’ai réalisé que j’avais déjà fait ce genre d’histoire. Et je me suis dit qu’avec des enfants, ça pouvait être différent.

Quel est le sujet du film, pour vous ?

Il parle de comment des enfants apprennent à vivre ensemble, à décider. Il parle de l’importance du groupe, du collectif. Et du fait de vivre une aventure à plusieurs. Car c’est aussi un film d’aventure. Vivre des aventures, c’est extraordinaire. J’ai des souvenirs d’enfant qui a vécu des choses fortes, quand j’étais perdu dans la nature, ou que je me retrouvais face à un animal sauvage. L’enfance, c’est aussi le moment où on se détermine, et le film montre ça.

Transformer des enfants de 12 ans en terroristes écologistes, c’est osé, non ?

Oui ! J’ai trouvé que c’était un sujet intéressant. J’avais vu une pièce de théâtre qui posait la question : si quelque chose fait du tort à la collectivité, est-ce qu’il n’est pas légitime de s’opposer à cela, même si c’est de façon illégale ? C’était intéressant de poser la question.

J’ai décidé de mettre des enfants dans cette situation. Ils vont y réfléchir, voter, négocier, se battre ensemble. Je trouve que ça rejoint ces jeunes qui scandalisent en jetant de la soupe sur des tableaux, dans des musées. Quand je les entends dire que leur vie est plus sacrée que ces œuvres d’art, ça me bouleverse.

Pensez-vous que ça pourrait arriver, que des jeunes ados tentent d’incendier une usine pour des raisons écologiques ?

Ça dépend des caractères. Je pense que des enfants sont indignés et certains jeunes, un peu plus vieux, sont indignés, révoltés et effrayés par ce qui les attend. Nous, enfants, on était dans une innocence totale. Et le moment de la révolte, où on se méfie des adultes, c’est l’adolescence. Aujourd’hui, je vois avec beaucoup d’enfants qu’il y a un pessimisme, une peur, avec lesquelles les enfants apprennent à vivre.  

Mais dans le film, l’écologie n’est qu’un prétexte, en fait. Chacun a sa raison d’agir. Y a-t-il des bonnes ou des mauvaises raisons ?

Je me rends compte que souvent, les militants arrivent avec des motivations personnelles. Ici aussi, les enfants viennent avec des motivations égoïstes, en fait, mais sans l’avouer tout de suite. Et ils vont avancer vers une cause un peu plus noble et se poser des questions sur la légitimité des choses.

On ne sait plus, dans votre film, où est le bien, le mal, qui est coupable, qui est victime…

On a un ogre au centre du film, quand même. Mais en effet, non, on ne désigne pas de coupables. Ce sont des enfants qui se battent contre un monde qui leur semble nocif et qui trouvent leur bonheur dans le groupe.

Le film parle aussi de solitude, d’appartenance. D’ailleurs, le titre est centré sur la bande. C’est un sujet qui vous touche ?

Oui, c’est vraiment important. Le groupe, c’est un pansement, un baume, qui soigne des blessures de la solitude et de choses terribles vécues par chacun.  

Comment fait-on pour créer un climat de tension, de suspense, dans un film ?

C’est la narration, le travail d’écriture et la mise en scène. Dans le récit, les enfants devaient être face à des situations qui les dépassent. Il fallait des aventures, des rebondissements. Pendant le tournage, on a filmé parfois caméra à l’épaule, pour donner un tournage nerveux et maintenir la tension. Et on a beaucoup travaillé avec les enfants pour qu’ils restent tendus, qu’ils soient dedans. Il y a aussi la musique, qui est importante pour injecter des émotions. Et enfin, il y a un travail de montage qui est essentiel pour garder le récit tendu, rythmé.

Comment avez-vous trouvé les cinq acteurs principaux ?

On a fait un très grand casting. Pour commencer, on a demandé aux enfants qui se présentaient de répondre à un questionnaire. On voulait trouver des jeunes qui avaient des personnalités. Puis on les a fait jouer et on a remarqué que certains avaient du talent et acceptaient d’être corrigés, dirigés. C’est important. On voulait aussi des personnalités attachantes et qui sachent vivre ensemble. Pendant le tournage, j’ai essayé de créer comme une petite troupe de théâtre, où l’autre était aussi important que soi-même. Je voulais leur apprendre à jouer, à s’écouter les uns les autres…

Quand et comment s’est passé le tournage ?

Il a duré trois mois. Deux mois et demi en Corse et deux semaines à Paris. Il y avait des pauses, des cours pour l’école, toutes des choses prévues par la loi pour les enfants qui font du cinéma. En plus, on a tourné pendant la première vague du covid, avec le masque etc. Donc, on a eu des interruptions aussi à cause de la pandémie. Mais on y est arrivés !