Gaël Gilson, quelles sont les règles (simples) qui font d’un jeu vidéo… un bon jeu ?

« Un bon jeu apporte du plaisir, nous fait des découvrir un univers, des règles et nous met à l’épreuve en nous proposant des défis à surmonter. C’est aussi un jeu qui nous fait perdre, pour sans cesse nous pousser à apprendre davantage.  Un bon jeu vidéo doit à la fois procurer du plaisir et nous apprendre à jouer. Par exemple Fortnite, c’est un bon jeu. C’est un jeu où on prend plaisir à retrouver ses amis. « 

Un jeu vidéo, est-ce souvent un jeu incomplet ?

HearthStone est un jeu de cartes à collectionner en ligne, un free-to-play qui se fonde sur l’univers de Warcraft et World of Warcraft. 

« Pas forcément, répond Gaël Gilson. Un jeu multi-joueurs comme Fortnite ou d’autres jeux en ligne comme League of Legends ou même un jeu de cartes comme HearthStone, ce sont des jeux qui nous mettent en compétition avec d’autres joueurs. Mais à un moment donné, les meilleures stratégies sont découvertes par les joueurs. Les développeurs mettent alors au point un patch, une mise à jour, en ajoutant de nouvelles règles ou des personnages. Cela oblige les joueurs à réapprendre le jeu. Cette mise à jour-là fait partie du jeu et n’est pas payante. Il y a aussi les jeux free-to-play (abrégé en F2P), donc gratuits, mais certains d’entre eux sont prévus pour que le joueur se retrouve bloqué après certains niveaux. En pareil cas, soit il doit payer pour avoir accès à la suite, soit il a accès à tout le jeu mais s’il veut de très bons équipements, il doit payer pour les obtenir. Il y a également des jeux qui donnent tout leur contenu gratuitement mais imposent beaucoup de temps de fouille pour obtenir des équipements. Si on veut jouer directement avec telle super arme ou force, il faut payer.  »

Quels types de jeux créez-vous dans votre studio de recherche?

« C’est un studio de recherche-création. On accompagne donc les créateurs de jeux vidéo. Ils viennent avec leur projet et on les aide. On crée donc plein de jeux différents ! Par exemple, une personne qui veut un jeu qui raconte une histoire avec des méthodes de jeu très simples, on va l’aider à trouver des façons amusantes à la fois de raconter et de jouer. D’autres personnes veulent que l’on fasse un jeu multi-joueurs. On réfléchit donc aux mécaniques de jeu, aux postures dans lesquelles cela va mettre les joueurs : veut-on un jeu dans lequel les joueurs vont être frustrés parce qu’ils se sont faits à battre au début ? Ou veut-on plutôt un jeu où on mise sur la coopération ? Est-ce un jeu avec des réflexes ?, etc. »   

Vous étudiez aussi les manières de faire ressentir à des joueurs de puissantes émotions à travers le gameplay (le jeu), comment faites-vous ?

« Quand on joue à un jeu vidéo, on peut complètement être bouleversé par des personnages qui nous touchent parce que l’histoire nous fait rire, pleurer ou avoir peur. On peut avoir peur en jouant aux jeux vidéo, être terriblement attaché à un personnage voire même être amoureux d’un personnage non jouable parce que justement on peut en prendre soin dans le jeu.  Certains mettent en scène des personnages inspirés du réel. Il y a des créateurs de jeux qui se sont amusés à raconter leur propre vie dans le jeu.  D’autres rendent hommage à un proche qui est décédé. »

Mais le plus difficile, en fait, c’est de parvenir à communiquer au joueur ces émotions, non ?

« On a l’idée du jeu, on sait plus ou moins ce que l’on veut raconter mais comment parvenir à communiquer au joueur cette tristesse, joie, surprise ou peur ? Dans notre studio effectivement, on travaille sur des façons à travers le gameplay de faire vivre cela. Par exemple, on travaille sur l’attachement entre un joueur et un personnage de jeu vidéo. Comment mettre à l’épreuve cet attachement ? Si face une épreuve difficile, le joueur doit choisir entre un personnage auquel il est très attaché mais qui n’a beaucoup de compétences et un autre plus compétent mais auquel il n’est pas attaché, que va-t-il choisir? Celui qu’il aime bien mais qui l’aidera moins ou l’autre qui l’aidera mieux à réussir le jeu ?  Sachant que s’il en choisit un, il perd définitivement l’autre. Cela crée des émotions fortes chez le joueur parce que cela peut vraiment être vécu comme un déchirement. On réfléchit à toutes les mécaniques de jeu qui permettent de faire vivre cela. »

Un jeu qui favorise l’empathie: Beyond Eyes

« Beyond Eyes, c’est un jeu dans lequel on incarne une petite fille aveugle. L’idée est de faire vivre aux joueurs son expérience de jeune aveugle. Sur l’écran, on voit juste le personnage. Tout autour de cette fille, c’est blanc. On doit l’aider à retrouver son chat. Quand elle marche, elle se prend des murs, des obstacles…  Elle apprend son environnement à travers cela.  Et plus le joueur se prend d’obstacles et plus il réussit à cartographier l’univers du jeu. Mais il ne voit jamais l’univers en entier. Il est comme elle, il doit tâtonner. Cela permet de développer de l’empathie (« C’est donc cela qu’une fille aveugle peut vivre ? »). »