Issa Doumbia est un artiste bien occupé ! Actif au cinéma (il sera en 2023 à l’affiche d’Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu), à la télévision, à la radio et sur scène (avec un nouveau spectacle en mars 2023), on a déjà pu le voir dans 20 séries et films tournés !

A présent… il y a cette BD qui raconte sa vie d’enfant à Trappes (France) au milieu de son quartier, de ses copains.

Issa, tout est réel alors dans ces gags dessinés?

 » Oui, je suis d’une famille où l’on se marre. Quand j’étais petit, ça m’a fait du bien d’être dans cette ambiance-là. Il y a eu beaucoup de lieux dans ma vie où je me suis senti bien. Mon quartier et mes copains en faisaient partie. Si j’allais chez Abdoulaye, ses parents m’accueillaient comme si j’étais chez moi. Pareil chez Antoine. Chez lui, j’ai découvert les BD. Chez Antoine, il y avait beaucoup de livres. Comme je le montre dans la BD, Antoine m’expliquait plein de trucs sur la préhistoire, l’art… Comme sa mère était maîtresse d’école, mon copain a eu accès au savoir plus facilement. Sa mère le dirigeait vers des musées et ce genre de choses. Moi, ce n’était pas forcément mon cas. Quand il me racontait les histoires du musée, je m’en faisais une image. Quand il me parlait de la Joconde en me disant que c’était une dame dans un tableau et que, de n’importe quel endroit, on avait l’impression qu’elle nous regardait, je voyais ma mère ! Evidemment, quand je le raconte dans le BD… je mets ma mère à la place de la Joconde ! »

« C’était la façon qu’avait ma mère de me dire (je l’ai compris en grandissant): travaille bien à l’école et tu pourras t’acheter ce que tu souhaites plus tard. Ma mère me faisait comprendre les choses comme ça. Mais c’est parce que mes parents n’avaient pas les moyens. Je ne pouvais pas avoir la même vie que la famille d’Antoine. »

« Quand j’étais petit, j’étais collé à ma grand-mère »

« Ma grand-mère est venue du Mali en France parce qu’elle avait la maladie d’Alzheimer. On m’avait bien dit qu’elle oubliait des choses mais ce n’était pas concret pour moi. Je voyais bien qu’elle m’appelait par les noms de mes oncles ou de mes cousins ! Parfois même, dans sa tête, elle me voyait plus âgé qu’elle. Si tout cela était déstabilisant pour les adultes, pour moi, c’était drôle. Ma grand-mère, c’était des blagues et de la complicité. Souvent, on m’envoyait faire un tour dehors dans le quartier, avec elle. Soi-disant, je la raccompagnais chez elle. Mais on faisait un tour du quartier et on revenait à la maison. En ouvrant la porte, il lui arrivait de dire: j’étais chez des gens pénibles, ça fait du bien de rentrer à la maison ! Et toute la famille jouait le jeu. »

« J’ai compris plus tard, pourquoi elle cachait de l’argent dans son pagne »

« Il y avait des moments où elle était lucide. Si elle voyait que je n’étais pas bien, que maman me refusait quelque chose que je demandais… elle me faisait toujours du bien. Elle avait dans son pagne (un tissu autour de la taille), un peu de monnaie. Elle me faisait signe et sortait quelques pièces de son pagne et nous allions acheter des bonbons. Je le montre dans la BD et le dessinateur, Liroy, a vraiment représenté mon quartier. J’ai compris plus tard pourquoi elle cachait de l’argent dans son pagne. Au Mali, quand il y avait de grands déplacements, on avait peur de se faire voler de l’argent. On n’allait pas jusqu’à fouiller dans les tenues des femmes. Ma grand-mère avait gardé cette habitude. »

Sur la couverture de l’album, il y a un petit clin d’œil au cinéma. On voit Issa qui fait mine de vouloir embrasser Jade, dont il est amoureux. Issa est la tête à l’envers comme Peter Parker (Spider- Man) lorsqu’il a embrassé son amoureuse, Mary-Jane Watson, dans le film en 2002.

Tu rentres sans problème, Issa !

« En allant chez mes copains, il m’arrivait de comparer. Ma mère me disait toujours cette phrase quand je sortais de la maison: tu sors sans problèmes et tu rentres sans problèmes. Pourquoi cette phrase ? Tu sors sans problèmes, ça veut dire: à la maison, tu as tout ce que tu veux pour vivre (dormir, manger, te laver et tu as ta famille, sois heureux). Tu sors sans problèmes : ne vas pas faire des conneries dehors, pour les ramener à la maison et faire en sorte que nous ayons des problèmes. Elle m’a dit cette phrase très longtemps, me la répétant tous les matins. Je ne comprenais pas… et puis, plus tard, j’ai compris ! »

Mes parents m’ont toujours appris les choses dans la blague et le jeu

« Je le montre dans un gag de la BD, mais c’est vraiment arrivé. Mon père m’apprend à repasser. Il sait que je veux toujours me battre pour aller au meilleur de moi-même. Donc il me dit : laisse tomber, tu ne sauras pas le faire. J’insiste donc il me montre. La première chemise est repassée et il conclut : c’est bien mais tu ne l’as pas faite tout seul. Au bout de trois chemises, il me dit que c’est parfait et qu’à partir maintenant, je pourrai repasser toutes ses chemises. Mon frère qui entend ça, il se marrait et je ne comprenais pas pourquoi. Mais c’est parce qu’il avait fait la même chose mon frère ! Il m’a expliqué que je m’étais fait avoir et que nous allions être deux à repasser les habits de toute la famille. »

Des gags sur les services qu’on se rend dans une famille, c’est rare!

« Chez moi, chaque semaine, on tournait sur chaque activité de la maison: poubelle, vaisselle, courses. Aujourd’hui, je sais tout faire ! Je sais même coudre. Quand plus tard je suis parti en vacances avec des copains et qu’ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas cuisiner… j’ai trouvé ça étrange car j’avais appris ça à 10 ans ! »

Les personnages dont je parle dans la BD sont encore mes amis d’aujourd’hui !

 » Jeanne Degois qui a scénarisé avec moi cet album BD Le petit Issa, j’ai grandi avec elle. C’est la fille de mon metteur en scène de spectacle. Mon metteur en scène, c’est comme mon papa. Je l’appelle d’ailleurs mon papa pote. C’est lui que j’ai rencontré lorsqu’à 11 ans, je suis allé dans la compagnie Déclic Théâtre (c’est une troupe au sein de laquelle Jamel Debbouze a aussi fait ses armes). J’aimais beaucoup jouer des personnages. D’ailleurs, c’est resté pour moi un univers d’enfant de jouer des personnages. « 

Quelle place la BD va-t-elle prendre dans ta vie d’artiste ?

« J’ai 40 ans, je commence à penser aux enfants. Je veux transmettre des choses. Je suis en train de monter une association sur le harcèlement scolaire. Petit, j’aimais pas laisser un enfant de côté. Pour la BD, on a encore des idées de gags. Je fais toujours ce que j’aime et je le fais à l’instinct. Je ne calcule rien. Dans tout ce que je fais, je le fais sincère. Si je ne le fais, je serai frustré. Si je dois faire davantage de BD, je les ferai. Et j’aime envie d’en faire des films. L’univers artistique reste un endroit où on arrive à s’exprimer beaucoup et de plein de façons différentes: la BD, la télé, le ciné, la scène, la musique. Tout ça, si je peux y aller, j’y vais !  »

Et le mot de la fin…