Le milieu du cinéma belge francophone était à la fête le 12 février à Bruxelles. Une cérémonie de remise de prix a eu lieu pour récompenser le travail de celles et ceux qui font la richesse de notre cinéma. Deux films ont marqué la soirée, car ils ont reçu sept récompenses, des Magritte : Une vie démente et Un monde.

C’est Un monde qui retient notre attention. Ce film aborde la question du harcèlement scolaire de façon très intelligente, originale. On y suit le parcours d’une petite fille, Nora, qui réalise que son frère, Abel, est harcelé à l’école. Elle tente de l’aider, mais ça ne marche pas. Elle est tiraillée entre la colère, la peur, la pitié, l’envie d’aider, le désir d’ignorer et de sauver ses relations avec ses copines, les promesses de se taire, les mensonges…

Ce film vaut la peine d’être vu en famille ou en classe, pour pouvoir ensuite parler, débattre, partager…

Un monde représentera la Belgique aux Oscars, la grande cérémonie américaine du cinéma, le 27 mars à Los Angeles. En attendant, l’équipe a reçu sept récompenses. Les deux enfants, Maya Vanderbeke, 11 ans et Günter Duret, 14 ans, ont chacun reçu un trophée du meilleur espoir. Bravo à eux!

Laura Wandel, la réalisatrice

Dans le JDE du 4 novembre, nous avions publié une interview de Laura Wandel, qui a réalisé ce film. La voici:

Dans votre film, c’est Abel qui est harcelé. Mais on suit sa sœur, Nora. Pourquoi ?

J’ai le sentiment qu’on ne montre pas souvent le rôle du témoin, qui est aussi d’une grande violence. Pour lui, c’est pas facile de se positionner.

Vous filmez d’une manière particulière. La caméra est à hauteur des enfants, donc on voit peu de visages d’adultes. Et puis, souvent, seuls Abel et Nora sont nets. Les autres sont flous. Pourquoi ?

Quand on est enfant, on n’a pas la vision d’un adulte, puisqu’on est plus petit. Je voulais ramener le spectateur dans cette vision-là. Pour le flou, au début, Nora est persuadée que son frère va l’aider à s’intégrer dans sa nouvelle école, elle ne voit que lui. Et puis elle s’ouvre, et le monde autour d’elle devient moins flou.

Nora est triste de voir son frère harcelé, elle essaie de l’aider, mais elle se met parfois aussi en colère contre lui !

Son grand frère, c’était son héros. Mais elle est déçue. Elle veut l’aider mais il a honte, il ne veut pas qu’elle se mêle de ses affaires. Ensuite, Nora comprend qu’il devient presque un boulet, un obstacle pour elle dans son intégration à l’école. Qu’est-ce qu’on est prêt à faire pour s’intégrer ? À un moment, elle va rejeter son frère.

Nora demande de l’aide aux adultes, mais ça ne règle rien. Au contraire… Mais alors, que faire ?

Pour moi, quand il y a violence, je pense que c’est parce qu’il y a une souffrance qui n’est pas écoutée. À la fin du film, l’institutrice de Nora fait un geste de bienveillance qui l’aide, et dans la dernière scène, Nora reproduit ce geste avec son frère… et tout s’apaise. Pour moi, il faut de la bienveillance et de l’écoute.

En 70 minutes, on voit que chacun a des manières différentes de réagir, et que ça peut évoluer au fil du temps.

J’ai essayé de ne pas porter de jugement sur les réactions des adultes, qui sont dépassés. Ensuite, pour moi, c’est important de montrer qu’une chose n’est pas définitive. Le problème est vraiment très complexe et peut se transformer très vite. Pour moi, bourreau, victime, témoin, on peut passer de l’un à l’autre sans s’en rendre compte.

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