Cette histoire a été écrite il y a presque 40 ans par Daniel Pennac, un auteur connu. Grégory Panaccione a décidé de l’adapter en BD.

« J’ai travaillé dans le monde du dessin animé. Il y a quelques années, une boîte de production voulait adapter ce livre Cabot-Caboche. Cela ne s’est pas fait mais j’ai gardé l’idée dans un coin de ma tête. En 2011, j’ai commencé à faire de la BD et cette idée m’est revenue. J’aime bien dessiner les chiens, mon premier livre était déjà une histoire de chien (Toby mon ami) mais celle-là, je l’avais inventée. J’ai toujours aimé observer les chiens. »

Cette BD se passe «à hauteur de chiens» donc vous dessinez parfois seulement les pieds des humains, vous faites parler les chiens avec des mots et des images…

«Au départ, j’aurais voulu en faire une BD muette, j’ai déjà fait cela auparavant. J’aime bien que le dessin doive tout expliquer. Mais pour ce livre, c’était impossible. Donc, j’ai suivi le récit du livre en m’autorisant par contre à aller dans certains détails (la manière dont un chien renifle le sol ou renifle un autre chien). Je me suis laissé aller à raconter en images comme je le sentais. J’aime bien faire comme si c’était moi qui avais écrit le scénario, je me l’approprie.»

Le chien est laid, Pomme est très mignonne. Comment avez-vous fait pour que le lecteur s’attendrisse surtout sur le chien, puisque c’est d’abord lui qui est mis en avant?

« C’est vrai que ce n’était pas facile de rendre le chien laid. En plus, dans le livre, un personnage dit que ce chien ressemble à un rat! Je n’ai pas voulu le faire ressembler à un rat mais en revanche, quand cette réflexion est faite, j’ai dessiné le chien dans l’obscurité pour qu’on ne le distingue pas trop. En réalité, j’ai été timide, je voulais que le chien soit laid mais pas trop. J’avais peur que le lecteur ne s’y attache pas. Mais je me suis dit que même les chiens les plus laids, on s’y attache quand même. Je pense que j’aurais pu le faire plus laid! J’ai beaucoup joué sur le strabisme (les yeux qui louchent), sa maigreur… Pomme, j’ai voulu qu’elle soit la plus mignonne aussi, tout en sachant qu’on allait voir qu’elle a un caractère assez désagréable. »

Quelle technique utilisez-vous pour obtenir ces couleurs un peu passées?

«C’est la première fois de ma vie que je travaille de cette façon. J’ai voulu faire un album à la méthode traditionnelle. J’ai d’abord fait du crayonné puis j’ai repassé les traits à l’encre de Chine avec un pinceau. Puis j’ai coloré avec de l’aquarelle et de l’écoline. Quand on fait une erreur, on ne doit pas tout recommencer mais il faut découper la case qui fait problème ou ajouter un papier pour la cacher. On peut aussi devoir quand recommencer une page si, après l’avoir colorisé, on se rend compte que c’est trop sombre… Mais de toute façon, je retouche toutes les pages sur l’ordinateur. Je scanne tout et je revois tout ainsi. Mais le travail sur l’ordinateur représente 5% du travail total.»

C’est moins courant d’avoir un album BD de 128 pages. Le saviez-vous au départ?

«J’ai envoyé le story-board à l’éditeur, c’est-à-dire toutes les pages rapidement décrites en dessin, sous forme d’une grande bande. Il n’y avait donc pas de pagination (de numérotation des pages). L’éditeur a tout de suite accepté. Mais pour chacun de mes livres, l’éditeur n’a jamais bloqué sur le nombre de pages. C’était une de mes craintes quand j’ai commencé la BD en 2011. Je me disais que se limiter à 46 pages devait être un sacré défi! Je n’ai jamais eu ce problème-là!»

Avoir travaillé dans l’animation (dessins animés), cela vous facilite-t-il le travail pour la réalisation d’une BD?

« Durant des années, mon travail était de faire des story-boards. C’était souvent des films de 26 minutes. Je devais faire le story-board d’un 26 minutes et j’avais un mois pour faire tout ce découpage-là, dessin par dessin. Je me suis entraîné à cela durant des années. Cela a été une belle école pour moi. Donc découper un livre, comme Cabot-Caboche, en images, je sais le faire et selon certains, je travaille vite. Je pense avoir mis six mois maximum pour réaliser cette BD. Maintenant, si on voulait faire un dessin animé de Cabot-Caboche, il faudrait que 200 personnes travaillent durant un an ou un an et demi! »

Cabot-Caboche d’après le roman de Daniel Pennac, Grégory Panaccione, éd. Delcourt