Le rendez-vous est donné un jeudi du mois d’août, à 9h45 sur la plage d’Ostdunkerque à Coxyde, à la mer du Nord. Ce jour-là, une grande foule est réunie pour observer un drôle de spectacle: des hommes sont montés sur des chevaux de trait et se dirigent vers l’eau avec de larges filets de pêche. Vêtus d’une veste et d’un pantalon en toile cirée jaune et d’une haute paire de bottes, ils vont pêcher des crevettes en mer.

Une tradition ancestrale

Cette tradition de la pêche aux crevettes à cheval remonte au 16e siècle (années 1500). À l’époque, le cheval était d’une grande utilité pour l’homme, on l’utilisait pour le transport de personnes mais aussi de marchandises… Pourquoi pas pour la pêche aux crevettes? Les habitants devaient gagner leur vie, ils avaient un cheval et la possibilité de pêcher davantage de crustacés avec lui!

Sa taille lui permet de s’avancer un peu plus loin dans la mer qu’un homme ne pourrait le faire, — il est immergé jusqu’au ventre environ -, et grâce à sa force, il peut traîner plusieurs kilos de crevettes en une prise.

La pêche se fait en eaux peu profondes et n’est possible qu’à marée basse, quand la mer est calme.

Pour ce faire, on attache au cheval un grand filet de 8 mètres qui racle le fond grâce à deux planches de bois et se déploie dans l’eau avec le courant. Le cheval part vers la

mer en suivant une direction précise: d’abord tout droit, avant de revenir en oblique, parallèlement à la plage, pour capturer les petites bestioles dans son filet. La pêche dure environ trois heures. Elle débute 90 minutes avant la marée basse et se termine dès que la marée commence à monter. Toutes les 45 minutes, le cheval revient à terre pour se délester du poids des crevettes pêchées.

Un métier protégé

Coxyde est le seul endroit au monde où la pêche aux crevettes à cheval se pratique encore actuellement. En 2013, cette pêche d’un genre particulier est d’ailleurs entrée au patrimoine immatériel de l’Unesco (lire en savoir +) à la demande de la commune de Coxyde, qui avait peur que ce patrimoine ne disparaisse avec le temps.

Cela signifie, par exemple, que la profession est protégée et encadrée. On compte 16 pêcheurs de crevettes, dont deux femmes, la plupart étant issus d’une famille de pêcheurs de Coxyde. La pêche aux crevettes à cheval n’est pas une activité rentable (qui rapporte de l’argent), les pêcheurs ont tous un métier à côté, mais ils ont à cœur de perpétuer la tradition…

Pour obtenir le droit de pratiquer cette activité, il faut réunir plusieurs conditions, notamment celle de posséder son propre cheval, avec un enclos et un box qui lui sont dédiés. Ou encore suivre une formation pour le décorticage et la cuisson des crevettes.

Gunther est pêcheur de crevettes à cheval depuis 8 ans. Pour l’accompagner, il a sa jument Martha, 10 ans, un cheval de trait brabançon. «J’allais déjà à la pêche avec mon père quand j’étais petit. C’est un plaisir de faire découvrir cette tradition, de la partager avec les plus jeunes. Il faut connaître la mer et ses dangers, la météo, le courant et bien sûr, il faut bien dresser son cheval. Il faut de l’entraînement, l’eau n’est pas leur environnement naturel.»

La pêche se fait toujours accompagnée d’autres pêcheurs, mais aussi de personnes qui restent à terre, pour les aider lors de l’attelage (lorsqu’on prépare le cheval, qu’on lui attache sa charrette…) et intervenir en cas de danger. On ne sait jamais ce qu’il peut se produire en mer.

C’est le rôle de Luc, amoureux de la nature et guide au musée Navigo. «Je suis accompagnant une à deux fois par mois. Pendant que Gunther est en mer, je reste sur la plage, lorsqu’il revient, je l’aide à ranger le matériel et à accrocher la charrette au cheval. C’est une belle tradition et Coxyde est le seul endroit au monde où elle perdure!»

En savoir +

Le patrimoine, c’est tout ce que nos ancêtres nous ont laissé en héritage. Il y a le patrimoine matériel, qu’on peut toucher (les châteaux, les lieux de culte, les tableaux…) et le patrimoine immatériel, qu’on ne peut pas toucher (les traditions, le folklore, les savoir-faire…). Le patrimoine qui possède une valeur exceptionnelle pour les futures générations est inscrit au patrimoine de l’humanité de l’Unesco (organisme des Nations unies).

Tri des crevettes

Après la pêche, il faut maintenant trier les crevettes. Eh oui, dans les filets, certains petits poissons ont été capturés, ils sont relâchés.

Les crevettes, elles, sont cuites sur place (dans de l’eau chaude salée) avant d’être proposées à la dégustation.

Drôle de bestiole

Les crevettes grises de la mer du Nord sont réputées pour leur bon goût, elles sont l’une des spécialités culinaires de la côte belge. Elles mesurent de 5 à 8 centimètres. Elles deviennent roses à la cuisson car leur carapace contient un pigment particulier qui n’est libéré que sous l’effet de la chaleur.