On les connaissait pour avoir la chance de posséder un cheval magique, aux pouvoirs extraordinaires, nommé Bayard. Leur fidèle destrier, qui avait puisé une force incroyable et mystérieuse dans les rivières de Wallonie, galopait à une vitesse folle, tant et si bien que ses pattes le faisaient presque voler et lui permettaient de sauter des obstacles infranchissables par ses poursuivants.

Un jour, le baron présenta ses fils à Charlemagne, qui les fit chevaliers pour remercier leur père de sa fidélité. Mais alors que la cérémonie avait pris fin, Renaud rencontra Bertolai, le neveu de l’empereur, qui lui proposa une partie d’échecs. Hélas, très vite, la partie tourna mal. Accusé à tort de tricherie par Bertolai qui ne supportait pas de perdre, Renaud, pour se défendre, frappa son adversaire qui le menaçait et le tua.

Lorsque Charlemagne apprit la triste nouvelle, furieux, il condamna immédiatement Renaud et ses frères à mort. Sans attendre une minute, Renaud, Allard, Guiscard et Richard enfourchèrent leur fidèle Bayard, et s’enfuirent à travers les merveilleuses Ardennes, poursuivis par les hommes de l’empereur. Cachés dans les forêts et les vallons qu’ils chérissaient tant, et aidés par les habitants, les frères étaient protégés, et les soldats de Charlemagne auraient de grandes peines à les retrouver…

Un jour, à l’aube, les frères Aymon se retrouvèrent encerclés par l’ennemi. Les hommes d’armes surgissaient de toutes parts, ne laissant d’autre choix aux quatre frères et à Bayard que de foncer, tête baissée, dans la mêlée. Bayard fila, entamant à nouveau une fabuleuse chevauchée à travers bois et clairières. Les poursuivants tombaient les uns après les autres, mais déjà d’autres chevaliers arrivaient. Bayard accéléra son allure, sauta par-dessus les rivières, gravit les crêtes et, lorsque d’autres hommes surgirent, il obliqua brusquement. L’ennemi était enfin distancé. Bayard et ses quatre cavaliers reprirent leur souffle un instant. Mais très vite, Guiscard, qui avait l’ouïe plus fine que les autres, entendit revenir leurs assaillants. Renaud comprit:

«Droit en avant! Hue Bayard!» Seule la vitesse pourrait les sauver.

Bayard monta sur une colline, puis sur une autre. Il galopait aussi vite qu’il le pouvait lorsque, soudain, une faille immense apparut, au fond de laquelle coulait paisiblement la Meuse. Mais l’ennemi approchait, il fallait avancer… Les éperons s’enfoncèrent dans le flanc de Bayard qui dressa la tête, prit son élan, frappa le sol de ses sabots et, tel une catapulte, se lança dans un bond prodigieux, plus semblable à un vol qu’à un saut. Les frères retinrent leur souffle, fermèrent les yeux et, sous un choc sourd, atterrirent de l’autre côté, laissant leurs poursuivants sur la crête, poussant des cris de rage.

Bayard poussa un hennissement formidable, tandis que le rire des quatre frères sauvés nargua l’ennemi étonné.

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