Les lecteurs du journal L’Avenir n’ont pas reçu leur quotidien les 5 et 6 mars. Une grande partie des travailleurs des Éditions de l’Avenir ont en effet décidé de montrer leur colère et leur inquiétude suite à des décisions de leur direction. Ils ont cessé le travail pendant 48 h.

Un quart du personnel perd son travail

Tout commence le 23 octobre dernier. Ce jour-là, la direction des Éditions de l’Avenir (le journal appartient à la société Nethys) annonce qu’elle a décidé de mettre en œuvre un plan pour réorganiser l’entreprise et faire des économies. Un quart des travailleurs du journal doivent partir.

Des négociations (discussions) démarrent entre les dirigeants de l’entreprise et les représentants des travailleurs. Il s’agit de se mettre d’accord sur les conditions de départ d’une cinquantaine de personnes: qui va partir, quand, dans quelles conditions financières (avec quel argent)…?

Les journalistes, de leur côté, expliquent ce qui se passe dans leurs journaux et sur leurs sites Internet. Ils montrent aussi leur désaccord et leur inquiétude en laissant des quarts de pages blancs, ou en publiant des images, des dessins envoyés par des dessinateurs de presse, des messages de soutien de lecteurs…

Des journalistes ciblés?

Le temps passe. Des dizaines de personnes se laissent convaincre de partir dans les conditions prévues lors des négociations entre la direction et les représentants du personnel. Ceux qui acceptent de partir doivent se faire connaître pour le vendredi 15 février à minuit.

Mais un problème se pose du côté des journalistes. La direction n’obtient pas, dit-elle, le nombre de départs voulu. Alors, elle décide de licencier (renvoyer) trois journalistes.

L’annonce de ces renvois tombe ce lundi 4 mars. C’est la goutte qui fait déborder le vase après des mois de vives tensions. Une grande partie des travailleurs arrêtent le travail. Selon eux, la direction a «ciblé» des journalistes, pour se venger de ce qu’ils ont écrit ou fait.

La direction nie ces accusations et dit qu’elle a choisi trois personnes qui n’étaient plus utiles dans la future organisation de la rédaction. Elle dit aussi qu’elle a respecté ses engagements, puisqu’elle avait accepté de ne pas licencier plus de quatre journalistes.

Mais les travailleurs de l’Avenir ne croient pas à cela, pour de nombreuses raisons. Ils pensent qu’en fait, la direction est fâchée sur la rédaction parce qu’elle a publié des articles qui lui ont déplu, ou qui l’ont mise en cause. Des personnes de Publifin, la société qui a créé Nethys, sont au cœur d’affaires judiciaires qui ont fait scandale. Les journalistes des Éditions de l’Avenir ont parlé de ces affaires de façon indépendante (libre). Par ailleurs, des journalistes ont écrit des articles qui révélaient des choses parfois dérangeantes sur certains dirigeants de cette société.

Le personnel de l’Avenir pense que ces licenciements sont une manière de se venger sur certains journalistes, mais aussi de mettre la pression sur la rédaction pour qu’elle soit plus docile (obéissante, soumise).

L’indépendance de la presse

Aux Éditions de l’Avenir, les journalistes n’ont plus confiance dans leur dirigeants. Ils ne se sentent plus libres, et, depuis des mois, n’indiquent plus leur nom sous certains articles «à risque». Ils signent alors «la rédaction».

Ce lundi 4 mars, les journalistes ont été déconnectés de leurs accès aux pages Facebook du journal, au site lavenir.net et au site du JDE. Ils ne pouvaient plus rien y publier. Ce mercredi après-midi, au moment de boucler le JDE, nous n’avons toujours pas la possibilité de publier quoi que ce soit sur notre site.

Faire taire les journalistes en les privant de leur outil de travail et d’expression est – heureusement – exceptionnel en Europe. Cela ne se voit, normalement, que dans des pays non démocratiques (où la liberté d’expression et la liberté d’informer ne sont pas respectées). Cela choque de nombreuses personnes: des lecteurs, les journalistes des autres médias, la fédération européenne des journalistes…

Les représentants des travailleurs tentent encore de trouver une issue à ce conflit avec la direction. À l’heure de terminer ce journal, on ne savait pas si le travail allait reprendre.