Quel est le travail d’une juge de la jeunesse ?

En fait, on est juge de la jeunesse et de la famille. On s’occupe de toutes les situations qui impliquent des enfants de 0 à 18 ans.

On est amenés à gérer des situations ou, soit des enfants sont en difficultés dans leur famille parce qu’ils sont victimes de maltraitance, par exemple, de violence, de négligence grave, on ne leur apporte pas les soins nécessaires… Et donc là, on prend des mesures de protection.

On s’occupe aussi des enfants, dans ces dossiers-là, qui font des bêtises, qui vont pas à l’école, qui ne respectent pas l’autorité de papa et maman…

Et puis, on a l’autre catégorie des enfants qui, eux, commettent des infractions, qui ne respectent pas la loi. Il y a toute une série d’infractions qu’on retrouve dans ce gros livre, qui s’appelle le code pénal. Et là-dedans, pour les enfants comme pour les majeurs, il est bien écrit qu’on ne peut pas frapper, qu’on ne peut pas mettre le feu, qu’on ne peut pas casser les objets des autres, qu’on ne peut pas harceler, qu’on ne peut pas tuer… Si on fait tout ça, on commet une infraction et on est puni. Et je m’occupe des enfants, surtout de 12 à 18 ans, qui ne respectent pas le code, qui commettent des infractions.

Un faux certificat ? C’est un faux en écriture. C’est interdit! Le harcèlement ? Il peut aussi te conduire devant un juge, car tu nuis à quelqu’un, tu le fais souffrir. (ÉdA/M.Golinvaux)

Est-ce que c’est un métier facile ?

Non. Ce n’est pas facile d’aller chercher un enfant pour le placer dans une institution pour le protéger. Et ce n’est pas facile d’être tout le temps confronté à des situations familiales compliquées. On voit beaucoup de souffrance.

Beaucoup de jeunes qui pètent un câble par colère parce que ça ne va pas dans leur vie. Et parfois, pour les aider, je les retire de leur maison pour les mettre ailleurs, et ils ne sont pas contents.

On doit aussi prendre des décisions dans le cadre de séparations. Par exemple, quand les parents se séparent et que les deux veulent la garde de l’enfant. Si les parents ne savent pas se mettre d’accord, c’est à nous de décider, et forcément, il y en a toujours un qui n’est pas content. Mais notre maître-mot, c’est l’intérêt de l’enfant.

Quelles sont les punitions pour les jeunes qui commettent des infractions ?

Ça peut être juste la surveillance du SPJ, le service de protection de la jeunesse. Donc, je peux dire au jeune : « Tu restes en famille, à condition de respecter l’autorité de tes parents, aller à l’école, ne plus commettre de nouveaux faits… » Et une déléguée du service de protection de la jeunesse va aller voir comment ça se passe, et me faire un rapport.

À côté de ça, on peut ajouter que le jeune va faire des prestations d’intérêt général. Par exemple, travailler 30 h – ça peut aller jusque 150 heures- dans un service d’aide aux personnes.

Ou alors, à des jeunes qui consomment de la drogue, je vais demander d’aller à une formation de quatre jours où on explique tous les effets négatifs de la drogue. Et on réfléchit avec lui, pourquoi il prend de la drogue, comment faire pour arrêter, et on essaie de trouver des des solutions.

Ou alors, je peux placer le jeune dans une structure, et il va vivre là. Ou je peux le placer dans une IPPJ, une institution publique de protection de la jeunesse.

Il y a deux catégories : les IPPJ ouvertes, où le jeune peut circuler, mais il est donc retiré de sa maison pendant 15 jours, un mois, trois mois, six mois, un an… Là, il y a un service d’éducateurs, de psychologues, et on essaie, de temps en temps, le retour en famille, pour voir comment ça se passe un week-end, pendant des vacances. Le but étant qu’il réintègre sa famille.

Et puis, il y a les IPPJ fermés, qui sont comme des prisons. Le jeune est dans une cellule, avec des grosses portes. Mais il y a tout un travail qui est fait au niveau psychologique, éducatif. On discute avec le jeune pour après, peut-être, passer dans une IPPJ ouverte et puis retourner à la maison.

Ma décision va dépendre du jeune, de sa personnalité. Elle dépend aussi de la gravité des faits qu’il a commis. Et je tiens à compte aussi des parents, du milieu de vie.

Françoise Mainil est juge de la jeunesse et de la famille au tribunal de première instance de Mons. (ÉdA/M.Golinvaux)

Si vous avez déjà tout fait pour aider un jeune, mais qu’il continue à faire des bêtises, vous faites quoi ?

Je continue. Je n’abandonne pas un jeune en difficulté. Souvent, je dis au jeune : « Mets ma photo sur ton téléphone comme ça, si tu veux faire une bêtise, tu me vois tout de suite et tu ne vas peut-être pas la faire. » Mais je n’abandonne pas les jeunes, parce que ce sont souvent des jeunes qui sont déjà abandonnés.

Cette interview complète est à lire dans le JDE du 25 mai 2023. Nos autres rencontres en classe avec des Invité(e)s se trouvent ici: www.lejde.be/dossiers/linvite-du-jde/

(ÉdA/M.Golinvaux)