La question nous a été posée par les élèves de 5e primaire de l’école Saint-Georges de Wezembeek-Oppem (Brabant flamand, à la limite de la région bruxelloise): est-ce que les paroles de la Brabançonne, l’hymne national belge, seront modifiées quand la princesse Elisabeth deviendra reine ?

Cette question rappelle une situation très semblable… au Royaume-Uni. Pendant plus de 70 ans, l’hymne national était « God Save the Queen » (Dieu protège la reine), en l’honneur de la reine Elizabeth II. Mais le 8 septembre 2022, la souveraine britannique décède à l’âge de 96 ans. C’est son fils, le prince Charles, qui monte sur le trône sous le nom de Charles III. Les Britanniques ont un roi et non plus une reine. Les paroles de l’hymne national sont directement modifiées en « God Save the King » (Dieu protège le roi).

Elisabeth, future reine des Belges

Comme au Royaume-Uni, nous avons un roi dans notre pays: le roi Philippe, 7e souverain des Belges. Il est en fonction depuis le 21 juillet 2013, jour où son père, le roi Albert II, a abdiqué (renoncé au trône) en sa faveur.

Mais, fait sans précédent dans l’histoire de notre royaume, le prochain souverain belge ne sera pas un roi… mais une reine !

Jusqu’en 1991, seul un homme pouvait prétendre au trône de Belgique. C’est ce qu’on appelait la « loi salique ». Selon cette loi, seuls les descendants exclusivement masculins du roi Léopold 1er (premier roi des Belges) entraient dans l’ordre de succession au trône, par ordre de primogéniture (le premier enfant de sexe masculin du roi, son premier fils, le premier fils de son fils, et ainsi de suite). Le texte écartait donc les femmes de toute prétention au trône.

Mais cette loi a été abolie (supprimée) en 1991. Depuis cette année-là, la descendance féminine compte aussi dans la succession, sans ordre d’importance en fonction du genre (masculin ou féminin).

La princesse Elisabeth, née le 25 octobre 2001, est le premier enfant du roi Philippe et de son épouse, la reine Mathilde. Étant le premier enfant du roi, c’est donc elle qui est l’héritière du trône de Belgique. En tant que telle, elle détient le titre de Duchesse de Brabant. Le jour où son père mourra ou abdiquera, Elisabeth deviendra ainsi la première reine « régnante » des Belges !

« La reine, la loi, la liberté » ?

Lorsque la princesse Elisabeth montera sur le trône, devrons-nous adapter les paroles de l’hymne national, comme cela a été fait au Royaume-Uni ? C’est tout à fait possible. « Il faudra alors l’adapter dans les deux versions, en français et en néerlandais« , précise Vincent Dujardin, historien de la monarchie à l’UCLouvain (Université de Louvain-la-Neuve, Brabant wallon).

L’historien explique que notre hymne national est un texte qui ne figure ni dans la constitution (l’ensemble des règles qui organisent un pays) ni dans une loi. « On sait que le prochain souverain sera une reine. C’est prévisible. Il y a donc certainement des personnes qui vont réfléchir à la question avant que cela n’arrive. Pour adapter le texte, cela devra faire l’objet d’une discussion entre le Palais royal, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur (en charge de cette compétence). »

Vincent Dujardin rappelle que ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que la Brabançonne est modifiée. « Au départ, le texte était un texte révolutionnaire. Il est apparu au moment de la révolution belge (contre les Pays-Bas, auxquels la Belgique était rattachée avant de devenir indépendante). Dans sa toute première version d’août 1830, la Brabançonne évoquait le combat et la quête de liberté. » Elle passera ainsi d’un hymne très prononcé contre les Pays-Bas à un texte plus apaisé lors de l’amélioration des relations avec nos voisins. « C’est le chef de gouvernement Charles Rogier qui a fait évoluer le texte dans ce sens-là, en 1860. Cette version est assez proche de la version actuelle« , précise l’historien.

Pour la petite histoire, la Brabançonne de 1860 est confirmée comme version officielle en 1921. Seule la quatrième strophe est alors retenue pour les paroles de l’hymne national.

Paroles de la Brabançonne de 1860 (avec quatrième strophe en gras):

Après des siècles d’esclavage,
Le Belge sortant du tombeau,
A reconquis par son courage,
Son nom, ses droits et son drapeau.
Et ta main souveraine et fière,
Désormais peuple indompté,
Grava sur ta vieille bannière :
Le Roi, la Loi, la Liberté !

Marche de ton pas énergique,
Marche de progrès en progrès ;
Dieu qui protège la Belgique,
Sourit à tes mâles succès.
Travaillons, notre labeur donne
À nos champs la fécondité !
Et la splendeur des arts couronne
Le Roi, la Loi, la Liberté !

Ouvrons nos rangs à d’anciens frères,
De nous trop longtemps désunis ;
Belges, Bataves, plus de guerres.
Les peuples libres sont amis.
À jamais resserrons ensemble
Les liens de fraternité
Et qu’un même cri nous rassemble :
Le Roi, la Loi, la Liberté !

Ô Belgique, ô mère chérie,
À toi nos cœurs, à toi nos bras !
À toi notre sang, ô Patrie !
Nous le jurons tous tu vivras !
Tu vivras toujours grande et belle
Et ton invincible unité
Aura pour devise immortelle :
Le Roi, la Loi, la Liberté !

À quoi ça sert, un hymne national ?

Un hymne national n’a plus vraiment de raison révolutionnaire, comme ce fut le cas lors de la création de notre Brabançonne. Aujourd’hui, il s’agit plutôt d’une musique symbolique accompagnée d’un texte fort représentant un pays à l’international. Chaque pays possède son hymne. Les Français et la Marseillaise, l’Italie et Fratelli d’Italia, le Royaume-Uni et son célèbre God Save the King,…

Le plus souvent, tu entends raisonner la Brabançonne lors de compétitions sportives ou lors de la fête nationale, le 21 juillet.

L’hymne national n’est pas le seul symbole pouvant représenter un pays. Il y a également le drapeau, un blason, une devise,…