Comment des jeunes âgés de 10 à 16 ans vivent-ils la garde alternée et s’y adaptent-ils ?  L’étude de l’UCLouvain a été menée auprès de 21 jeunes par deux sociologues de la famille, Bérengère Nobels et Laura Merla. Elle fait partie d’un projet européen intitulé MobileKids.

 « Ces enfants établissent des liens entre leurs différents lieux, explique Bérengère Nobels. Ils les vivent comme un tout. Un peu comme si la maison de chaque parent était une île et que l’enfant créait des liens entre ces deux îles pour en faire un archipel (groupe d’îles). Les frontières entre ces îles varient suivant les limites fixées par chaque parent. Mais les enfants eux-mêmes définissent leurs propres contours. »


Vous avez identifié différents types d’îles. 

« On voit qu’il y a des îles où toutes les règles sont fixées par les parents de façon très claire et cela ne bouge pas, explique Bérengère Nobels. L’enfant ne peut pas venir sur cette île les jours où il dort sur l’île de l’autre parent par exemple. Il y a des îles où des règles peuvent être négociées par les enfants. Certains peuvent voir l’autre parent lors d’une activité extrascolaire par exemple ou même aller librement sur l’autre île quand ils le désirent. »


Comment les enfants font-ils pour se sentir « chez eux » dans chacune des îles ?

« Ils se donnent des repères notamment par les objets qu’ils emportent. Certains préfèrent tout emporter dans une valise d’une île à l’autre, d’autres pas. Se pose aussi la question : dois-je tout déballer en arrivant et mettre dans l’armoire ou pas  ? Certains le font pour montrer qu’ils sont bien là et faire oublier aux autres de la famille qu’ils ne sont là qu’une partie du temps. En revanche, d’autres préfèrent ne pas déballer car ils aiment mieux garder tout dans leur valise et renvoient l’image qu’ils sont prêts à repartir dans l’autre maison. »

Que disent-ils des façons de passer d’un lieu à l’autre ?

« Pour les enfants, la transition d’une île à l’autre et la séparation sont plus faciles si cela passe par un lieu neutre (l’école, une activité extrascolaire…). En pareil cas, ils les vivent mieux. Si un enfant doit attendre son père en étant chez sa mère, par exemple, c’est davantage perturbant. »


Quel est leur besoin de contacts avec l’autre parent quand ils ne sont pas chez lui ?

« Les besoins sont variables d’un enfant à l’autre. Certains sont satisfaits de ne pas avoir de contacts avec le parent quand ils ne sont pas chez lui.  D’autres veulent vraiment des contacts. Pour cela, ils empruntent le téléphone d’un parent ou envoient un message chaque jour. D’autres encore n’ont de contacts que pour organiser la semaine suivante (demander une permission pour un anniversaire, etc.).  Face à un manque, certains disent que c’est pire s’ils appellent, car cela renforce l’impression de distance et d’absence. »


Quels sont les rituels mis en place par les enfants ?

« Pour un tiers des enfants, le retour dans une île est une simple routine. Pour les autres, c’est un moment plus extraordinaire. Donc il y a un temps pris pour se donner des nouvelles, prendre un apéritif, jouer à un jeu ensemble… Pour certains, ce rituel se marque par le fait de retrouver sa place dans le canapé. Ceux qui le vivent comme une routine, n’aiment pas que l’on organise un apéritif ou quelque chose de spécial pour fêter leur retour. »