C’est à Evere que nous avons rendez-vous avec Nola et German, de l’association Communa. On va découvrir le projet Sorocité (« soro » vient de « sœurs ». C’est un projet qui concerne des femmes).
Devant certains bâtiments, des fleurs et des légumes poussent dans de jolis jardins clôturés. « C’est un de nos projets. Je fais ça avec certaines occupantes des logements », explique German.


Des bâtiments à démolir


On lève la tête et on observe les bâtiments autour de nous. Nous sommes dans une cité sociale, dont les appartements sont loués à des personnes à faibles revenus. Ici, il s’agit surtout de personnes âgées.
Mais la société à laquelle appartiennent ces vieux immeubles prévoit de les démolir pour en reconstruire d’autres. Les travaux se font progressivement. Certains nouveaux immeubles sont déjà là, mais German nous montre six blocs de huit appartements qui ne seront démolis qu’en 2028. En attendant, certains de ces logements voués à la démolition sont vidés de leurs locataires. Les laisser à l’abandon, c’est risquer de voir arriver des squatters (gens qui occupent un lieu abandonné sans autorisation). Cela pourrait créer un sentiment d’insécurité. C’est ainsi qu’est né le projet Sorocité, qui a vu le jour en avril 2021.


Des femmes seules sorties de la rue


Nola explique : « Pour le moment, seize logements sont occupés. Six logements supplémentaires sont bientôt prêts à recevoir des occupantes. Ce sont toutes des femmes seules, qui étaient à la rue, sans abri. »
Communa remet les appartements en état pour qu’ils soient propres, habitables, et qu’ils respectent les normes (règles) en matière d’électricité, de chauffage…
Ensuite, l’association est présente sur place pour assurer la maintenance (l’entretien) des bâtiments, développer des relations avec les habitants du quartier et gérer les liens entre les occupantes. Pour cela, Communa et d’autres associations organisent des activités : des ateliers cuisine, du jardinage, une sortie à la mer, …


D’abord un logement


Ce beau projet n’est, bien sûr, pas tout rose. Loger des personnes qui vivent dans la rue n’est pas simple. La démarche, ici, est originale et assez neuve. Généralement, une personne sans abri va d’abord dans un hébergement d’urgence. On va l’aider à se mettre en ordre (papiers), à se soigner, à retrouver un projet de vie… et puis, une fois qu’elle sera « stabilisée », on fera les démarches pour lui trouver un logement. Mais pour que la personne soit « stabilisée », il faut parfois des années…

« Ici, on fait du « housing first », explique Nola. On commence par un logement stable. On pense que c’est une condition pour développer un suivi psychomédicosocial. » La nouvelle occupante d’un logement signe une convention (accord) et paie, chaque mois, un petit loyer symbolique. Grâce à une structure (groupe) partenaire de Communa, elle a un accompagnement individuel d’un(e) assistant(e) social(e), d’un(e) infirmier(ère), d’un(e) psychologue… en fonction de ses besoins. On va l’aider à se remettre en ordre sur le plan administratif (qu’elle ait une carte d’identité, une adresse officielle, un revenu minimum…). Et on va l’écouter, la conseiller, l’encourager dans sa nouvelle vie.
Sortir quelqu’un de la rue, ça prend des mois, des années, et ça ne marche pas toujours. Mais les projets sont nombreux pour essayer, expérimenter, réessayer autrement…

En savoir plus

À la rue, on vit souvent en mode « urgence », « survie ». Il faut se débrouiller pour trouver à manger, à boire, un coin pour dormir. Il y a beaucoup de violence, d’agressivité et même d’agressions. Les problèmes de toxicomanie (drogue, alcool) sont courants. Des femmes se prostituent (elles ont des relations sexuelles en échange d’argent ou de protection).

Après avoir dû fonctionner de cette façon pendant longtemps, pour survivre en rue, il est difficile de retrouver un mode de vie « normal ». Il faut avoir des horaires, faire son ménage et ses courses, se préparer des repas, prendre des rendez-vous et s’y rendre, retrouver confiance en soi et avoir des projets à mettre en place… Il faut aussi réapprendre à avoir des relations courtoises avec les autres. Les problèmes de toxicomanie, les troubles mentaux, les peurs, les colères, la violence, les tensions, ne disparaissent pas du jour au lendemain. C’est pourquoi un suivi personnel est nécessaire pour augmenter les chances de chacune de s’en sortir.