Pour nous aider dans notre réflexion, nous avons contacté Vincent Yzerbyt, docteur en psychologie et spécialiste de ces questions.

À votre avis, pourquoi notre dessinateur Gao avait-il représenté ainsi nos deux mascottes ?
Quand on dessine, on simplifie pour être compris immédiatement. Et le recours à ces codes rose – bleu, on les a tous en tête. On grandit avec ça.

Pourquoi ces représentations ?
On fonctionne tous avec des tiroirs pour organiser les choses, le monde qui nous entoure et les groupes humains. On a l’habitude de regrouper des caractéristiques physiques et des apparences à chacun des groupes, notamment les hommes et les femmes. On simplifie, on colle des étiquettes, comme quand on range.

Ces représentations sont-elles identiques partout dans le monde et dans l’histoire ?
Non. On partage presque tous la binarité : hommes et femmes. Mais il existe des cultures où il y a d’autres nuances. C’est comme pour les couleurs : nous avons le turquoise, mais certaines cultures n’identifient pas cette couleur et parlent de bleu ou de vert. Dans l’histoire, les représentations ont changé aussi. Au 17e siècle, c’étaient les hommes qui mettaient des hauts talons, qui se maquillaient et se parfumaient. Les filles ne portent des pantalons chez nous que depuis la moitié du siècle passé.

Ces représentations et ces rangements sont utiles ?
C’est utile de pouvoir se situer, d’avoir des références, pour construire son identité. Ça aide, ça montre un chemin, comme un GPS. Mais pour l’instant, on a pris la mesure du fait que l’utilisation de ces deux boîtes bien définies pose des problèmes.

Quels problèmes ?
On est façonnés, modelés selon la boîte dans laquelle on est (lire ci-contre). Pour la plupart, ça ne pose aucun souci. Mais certains sentent qu’ils ne sont pas dans la bonne boîte, ou ils s’y sentent à l’étroit. On pourrait autoriser des passages entre les boîtes ou en ajouter d’autres. Aujourd’hui, il y a une attention particulière à nuancer, à admettre que des personnes ne soient pas classées dans la catégorie hommes ou femmes. En fait, on a toujours besoin de catégories, mais on s’en donne plus.

Et nos mascottes ?
Je ne vois pas de problème à avoir des mascottes fille et garçon, mais ce serait intéressant qu’elles représentent bien les enfants qu’on retrouve dans la cour d’école, dans toute leur diversité.

En savoir plus

Chacun a du féminin et du masculin en lui. Mais les stéréotypes, les représentations toutes faites, enferment beaucoup d’individus. Des exemples ?
On associe souvent aux filles des métiers de soins aux autres, d’écoute, d’éducation… On laisse les maths, les sciences et les métiers techniques, plutôt aux garçons.
On considère généralement qu’un garçon doit être fort, ambitieux, entreprenant, leader (qui dirige). Les filles qui ont ces traits de caractère sont souvent mal vues. Les garçons plus doux, poétiques, rêveurs, seront eux aussi pointés du doigt.

Dès le berceau

« La couleur rose ou bleue qu’on associe à un bébé fait émerger (apparaître) des comportements différents : les manières de parler au bébé, de gérer ses pleurs, ne sont pas les mêmes.  Quand l’enfant grandit, on offre souvent des jouets différents aux filles et aux garçons. Et si on ne veut pas faire de différence, une fille qui joue avec des jeux de construction, par exemple, va quand même avoir des signaux de son environnement qui ne la laisseront pas indifférente, comme de la surprise. Il y a aussi plus de chance que vous ayez des cheveux longs si vous êtes une fille, et courts si vous êtes un garçon. Tous ces indices sont perçus par les enfants. Et tout est entretenu par les chansons, les livres, les films… »